Toujours à l'arrêt... pour combien de temps ?
Cela fait maintenant 38 jours que nous sommes dans notre campement au bord de la plage. 38 jours. C’est plus de temps que nous avons passé en Egypte, pays où nous avons fait tant de découvertes et d’activités ! Et qu’avons-nous vu ou fait ici ? Pas grand-chose… c’est bizarre cette notion du temps. Le temps s’écoule lentement, mais en même temps on ne voit pas le temps passer. Il ne s’est pas passé grand-chose depuis notre sortie il y a un peu moins de 3 semaines à Tanga, la ville la plus proche à une vingtaine de kilomètres de piste. Renaud sort 1 fois par semaine au village d’à côté pour nous ravitailler en fruits, légume et eau. De plus en plus de personnes portent des masques, mais ce n’est pas encore la majorité ! Nous tournons un peu en rond côté alimentation. On a tendance à manger toujours les mêmes choses et on commence à se lasser. Pour innover un peu, nous avons fait des gnocchis, une réussite mais bon sang que c’est long à préparer pour 5 gloutons ! Nous avons aussi fait des rostis de pomme de terre, des galettes de riz aux légumes, des crevettes de différentes façon, du poisson en papillote et une shakshuka israélienne. Je tente des desserts également, comme des iles flottantes ou un flan au caramel et évidemment des pancakes et des crêpes. Mais n’aimant pas vraiment cuisiner, j’avoue que je peine un peu à trouver de l’inspiration. Tiens d’ailleurs, si vous avez des idées de plats simples avec les ingrédients dont nous disposons, je suis preneuse ! J’ai :
- En produits frais : œufs, lait et beurre avec parcimonie (il ne me reste que 500g !), crevettes, poisson
- En épicerie : on trouve au village : sucre roux, farine, huile de tournesol, maïs en grain, pain de mie et j’ai encore en stock : riz, pâtes, thon en boite, miel, beurre de cacahuète, chocolat en poudre, levure, sauce soja, café
- En légumes : tomates, carottes, concombres, chou blanc, oignons, ail, avocats, poivrons, pommes de terre, gingembre, manioc
- En fruits : fruits de la passion, noix de coco, oranges, citrons, bananes, pastèque, parfois ananas.
- Ce que nous n’avons pas : crème fraiche, chocolat, fromage, fruits à coque, viande, charcuterie. Et j’ajoute que nous avons un mini four palestinien qui se place sur le gaz, qui permet de faire des gâteaux ou plats mais dont la contenance est un peu petite pour 5. Et qu’on évite les cuissons trop longues car on économise le gaz également.
Côté activité, rien de bien neuf non plus. Les enfants se perfectionnent en acrobaties dans les arbres, Martin s’est construit un programme « tractions/gainage/squats » et il s’y tient tous les jours ou presque. Louise est en train de terminer Harry Potter, elle aura lu l’intégrale en moins de 3 semaines. Eliott a essayé de le commencer en anglais, mais c’est encore un peu dur pour lui, et la persévérance n’étant pas sa qualité première, on retentera un peu plus tard. Ils écoutent beaucoup de musique aussi, avec des goûts très éclectiques allant de Soprano à Vivaldi en passant par la variété des années 80 et les Kids United. Ils n’accrochent pas avec le rock par contre… c’est bien dommage pour nos oreilles ! Pour Pâques, nous n’avons pas fait de chasse aux œufs mais une chasse aux coquillages préalablement peints. Les enfants passent beaucoup de temps à construire des pièges pour attraper (avec succès) des bernard-l’ermites ou des crabes, voire (sans succès) des singes.
Nous sommes entourés de quelques animaux : des singes vervet qui nous approchent régulièrement aux heures des repas espérant glaner une peau de banane ou un morceau de tomate. Ils ont tendance à faire pipi sur les branches auxquels s’accrochent les enfants pour faire le cochon pendu et leurs testicules bleus restent un sujet de conversation régulier dans la famille… La nuit, nous pouvons parfois apercevoir des bush-babies (galagos en français), sorte de lémuriens avec des yeux immenses qui brillent à la lumière de nos lampes torche. Ils font beaucoup de bruit, mais on n’a pas réussi à en prendre en photo. Nous avons aperçu quelques serpents verts inoffensifs, une jolie salamandre en train de nager dans la piscine, d’énormes escargots de la taille d’une main et des papillons aux ailes violettes et jaunes virevoltent régulièrement autour de nous. La pluie s’invite de plus en plus pour perturber nos journées, nous contraignant à nous réfugier à l’intérieur du camping-car pendant plusieurs heures. Ça ne nous dérange pas vraiment, chacun lit dans son coin ou bien on joue tous ensemble ou bien on regarde un truc à l’ordi. Sauf quand ils mettent Jean-Luc Lahaye pour la 10ème fois de suite… là la tension monte en flèche ! Par contre l’air est humide en permanence, plus rien ne sèche et certains de nos vêtements dans le placard commencent à moisir… je sens que je vous vends moins du rêve là !
Nous avons bien avancé l’école, et le 1er mai les enfants sont passés en classe supérieure (pour mémoire nous les avons déscolarisés et ne sommes pas affiliés à un organisme d’école à distance, nous sommes donc « libres » de notre timing) : CE1 pour Martin, CM2 pour Louise et 5ème pour Eliott. Ca pousse, ça pousse ! Cela fait plusieurs jours que nous sommes en train de construire un jeu de société récapitulant les grandes dates/évènements qu’ils ont vu au programme d’histoire, et nous complèterons au fur et à mesure avec les apprentissages de cette année (du style « timeline », pour ceux qui connaissent). Un bon moyen pour les grands de mémoriser, quant à Martin, il aura vraisemblablement de l’avance dans cette matière 😉 En revanche c’est dommage mais depuis que nous sommes coupés du monde, les enfants n’ont plus l’occasion de pratiquer l’anglais. Cela fait maintenant 7 semaines qu’ils n’ont pas parlé à d’autres personnes que nous (à part les copains et la famille sur WhatsApp évidemment !). Et la motivation n’y est pas franchement pour apprendre « dans le vide ».
Et la suite alors ? Et bien aucune réponse à vous donner pour l’instant. A l’inverse de certains pays comme l’Afrique du sud, la Namibie ou la Zambie, la Tanzanie ne communique absolument pas sur la situation, sur les étapes à venir. Remarquez, comme il n’y a toujours aucune mesure de prise ici, il n’y a pas vraiment d’étapes de déconfinement à prévoir… je ne sais plus si je vous l’ai dit, mais il y a des élections présidentielles en octobre, et à l’évidence le président sortant candidat à sa propre succession ne souhaite faire aucune vague. Il arrête et retire les licences de presse aux quelques journalistes qui font des remarques sur sa gestion de la crise ; il affirme que les tests ne sont pas fiables et augmentent artificiellement le nombre de cas ; Officiellement il y a moins de 500 cas positifs ici, mais bizarrement quasiment tous les jours la Zambie, le Rwanda ou le Kenya informent qu’ils ont arrêté à la frontière des routiers tanzaniens testés positifs. 3 parlementaires sont morts dans les 2 dernières semaines, mais aucune information ne circule sur les causes de ces décès. A côté de la crise sanitaire, il y a aussi la crise économique, qui va se faire sentir rapidement. Ici nous sommes dans un environnement préservé, nous ne ressentons rien. La situation semble calme, même dans les grandes villes. Mais pour vous donner un exemple, le directeur du lodge où nous sommes, a réduit son personnel de 80%, leur demandant de prendre 3 mois (pour commencer) de congés non payés. Pas de chômage partiel ici, ni d’indemnité. Kassim qui s’occupe de nous depuis notre arrivée est préoccupé. Il a « la chance » d’être propriétaire de sa petite maison et n’a pas de loyer à payer, mais il ne pourra pas nourrir sa famille sans salaire pendant 3 mois (sa femme et ses 3 enfants en bas âge habitent à une centaine de kilomètres, il n’a pas voulu prendre les transports en commun pour les rejoindre depuis le début de la crise, ça fait presque 2 mois qu’il n’est pas rentré chez lui). En insistant auprès de son patron, il a réussi à obtenir un délais d’un mois supplémentaire mais l’épée de Damoclès est toujours au-dessus de sa tête. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres ! Alors nos petits problèmes de voyageurs, à côté, ce n’est pas grand-chose. Nous allons bien, c’est l’essentiel, nous nous sentons en sécurité et le moral est globalement bon. Relativiser ne nous empêche pas de nous poser de nombreuses questions ! Alors qu’on s’attendait à rester bloqués 3 à 4 mois, nous n’avons aucune visibilité sur l’ouverture des frontières terrestres. La Namibie (qui n’a que 16 cas positifs et aucun décès !) parle de rouvrir ses frontières avec certains pays peut-être entre juin et septembre (elle partage des frontières avec l’Afrique du sud, l’Angola, la Zambie et le Botswana). La Zambie ne délivre plus de visas touristiques depuis le 24 mars pour une durée illimitée, nous n’avons aucune information sur le Malawi. Et même si les frontières rouvrent, la question reste de savoir ce que nous pourrons faire. La rumeur court que les parcs sudafricains ne réouvriraient pas avant l’année prochaine. Alors en attendant d’en savoir plus et de pouvoir faire quoi que ce soit, on se prépare pour des plans A, B, C…
- Plan A : l’épidémie reste contenue et les pays rouvrent leurs frontières progressivement : on pourrait envisager de rejoindre cet été la zambie, puis la namibie et l’afrique du sud ;
- Plan B : pas de perspective d’ouverture de frontières à l’été et/ou les conditions ne sont plus réunies pour poursuivre un voyage en Afrique dans les mois qui viennent : on laisse le véhicule ici et on part à la découverte d’un autre continent qui serait revenu « à la presque normale » (Australie ? Asie ?) pendant quelques mois puis on revient en 2021 pour récupérer le caming-car et reprendre la route ;
- Plan C : impossible de voyager en Afrique ni ailleurs dans le monde (frontières toujours fermées ? vols trop chers ? activités touristiques encore fermées ?) : on rentre en France en avion, on rachète un véhicule pour se balader en France (un peu d’Europe ?) et on le revend avant de revenir en 2021
- Plan D : on fait une croix sur l’Afrique et on ramène le camping-car par bateau en Europe et on se balade autour de chez nous pendant 1 an.
on en a profité pour compléter la carte au dos de notre camping-car... mais ça ne peut pas s'arrêter là ?!
Voilà où nous en sommes de nos réflexions, sachant que tous ces plans sont à ce jour irréalisables dans la mesure où il n’y a plus de vols commerciaux au départ de la Tanzanie. Il y en a quelque-uns au départ de la Zambie ou du Kenya (beaucoup plus proche !), mais il nous est à ce jour impossible d’entrer dans ces 2 pays. Comme prévu quand nous avons décidé de rester ici, nous sommes bel et bien coincés pour un bon bout de temps ! Mais je vous avoue que nous ne sommes pas mécontents du tout de ne pas être en Europe en ce moment…
Une dernière option, me direz-vous, pourrait être de tout arrêter et de reprendre le boulot en septembre 2020, soit 1 an plus tôt que prévu… Alors ça je vous le dis tout de suite, ce n’est pas du tout à l’ordre du jour ! Outre le fait que ce ne serait pas si simple dans nos situations professionnelles actuelles, nous avons choisi de passer du temps en famille, ce que je considère comme un luxe dans nos sociétés modernes, et nous avons bien l’intention d’en profiter, quelle que soit la destination, ou la non-destination !