Bye Bye Africa !
Je vous ai laissés dans mon dernier récit aux portes des Gorges du Dadès. Initialement, nous avions prévu de faire demi-tour et de reprendre la route du sud conduisant à Errachidia pour ensuite monter vers Fès. Oui mais voilà, la route sur laquelle nous sommes depuis que nous avons quitté les gorges est vraiment belle. On ne sait pas trop où elle va nous mener, mais on décide de continuer ! Les 2 jours suivants, la route, qui s’est transformée en piste, nous conduit au travers d’un plateau désertique. C’est magnifique, on se régale ! Bon parfois on la trouve un peu étroite, heureusement que nous ne croisons qu’une seule voiture en chemin ! Et que dire de ces quelques personnes isolées qui semblent vivre ici. A plusieurs reprises, nous sommes arrêtés pour donner un verre d’eau et un peu de nourriture. Nous finissons par retrouver une route goudronnée et revenons un peu sur nos pas pour rejoindre l’oasis de Tinghir dont nous ont parlé nos amis Karine et Yves. Avant d’y arriver, nous nous arrêtons pour dormir juste à côté du lit d’une rivière asséchée. Et alors qu’il tombe quelques gouttes en fin de journée, nous assistons à un phénomène impressionnant : une énorme vague immerge en quelques secondes le lit vide quelques instants plus tôt. Et 20 minutes plus tard, il n'y a nouveau plus rien ! Je comprends vraiment les fréquentes mises en garde qu’on a parfois eues en mode « surtout ne dormez jamais dans un lit de rivière, il peut y avoir des crues très rapides ». On le sait depuis longtemps, mais d’assister à ce phénomène juste sous nos yeux ça le rend vraiment concret !
Mercredi 22 juin, nous arrivons donc à Tinghir. Nos amis avaient bien aimé se balader dans la palmeraie, et effectivement le paysage lorsqu’on arrive, avec ces roches dorées et le poumon vert en contrebas est magnifique. En plus on trouve un superbe bivouac, au bout d’une impasse en surplomb de l’ancienne citée en adobe. C’est beau, c’est paisible, la lumière de fin de journée est dingue… que demander de plus ?
Une chose est certaine, on n’avait pas demandé un petit séjour aux urgences, et c’est pourtant là que nous finirons notre nuit ! Il est environ minuit quand on termine notre fim sur l’ordi et que Renaud tend la main machinalement pour éteindre le convertisseur sur lequel il est branché. « Aïe je viens de prendre le jus ! » crie-t-il dans un langage un peu plus fleuri ! Il passe son doigt sous l’eau, met un glaçon, mais la douleur s’intensifie et se propage à toute la main. Ça ne colle pas avec une décharge électrique, je pense alors à un scorpion. Et effectivement, lorsqu’on examine avec précaution le convertisseur, on aperçoit un gros scorpion noir accroché à notre « meuble à chaussures qui prend la fuite sous mon siège passager. Je n’ai pas vraiment vu s’il avait de petites pinces ou non (petites pinces = danger), et j’observe attentivement Renaud pour voir s’il a d’autres symptômes. A priori ça a l’air d’aller : pas de vertiges, pas de maux de tête, pas de rougeur à part son doigt qui enfle. Après une vingtaine de minutes à chercher en vain le scorpion, on décide de remonter en ville pour être complètement rassurés. Je vous laisse imaginer les 7 kilomètres : moi je ne peux pas conduire avec mon épaule handicapée, hors de question que je pose mon popotin près d’un scorpion, je suis sur la banquette arrière avec ma spatule de cuisine pour surveiller que la bestiole ne bouge pas. Eliott s’est réveillé entre temps mais les 2 autres dorment encore. Arrivés aux urgences, je dois accompagner Renaud dont la phobie des hôpitaux semble s’aggraver avec l’âge. Oui mais il y a un scorpion dans ma maison quand même, et Martin dort au ras du sol !! Je le réveille pour qu’il grimpe dans le lit de sa sœur, et Eliott prend ma place avec la spatule avec pour consigne de ne pas toucher le scorpion mais de surveiller s’il se déplace pour qu’on puisse le tuer ensuite. Renaud est immédiatement pris en charge, une infirmière lui fait une injection d’antalgique, mais rien d’autre. Visiblement le scorpion en question n’est pas très dangereux, il ne tue qu’une cinquantaine de personnes par an, surtout des enfants. Pendant qu’il est gardé en observation, j’embarque 2 agents de la sécurité de l’hôpital pour aller traquer la bête. A force de persévérance, au bout de 25 minutes ils finissent par le trouver et le scorpion se retrouve transpercé par un tournevis. Il est près de 2h du matin, avec toutes ces émotions nous décidons de rester dormir devant l’entrée de l’hôpital. Surtout que Renaud a vraiment mal, le médecin lui a confirmé que la douleur intense dure 24h et qu’il n’y a pas grand-chose à faire. L’antalgique fonctionne à peine, Renaud passe une nuit blanche.
Le lendemain matin, après être retourné voir le médecin pour essayer d’avoir un médicament plus fort, nous retournons à notre spot de la veille. L’idée est d’aller faire une balade dans la palmeraie histoire de détourner l’attention de Renaud de la douleur. Ça marche moyennement je crois, mais nous passons néanmoins un super moment, la palmeraie est effectivement super jolie avec sa rivière en contrebas et ses petits canaux d’irrigation que nous suivons avec plaisir. En milieu de journée, nous reprenons la route vers le nord. Il commence à faire chaud ici, nous visons les montagnes et la chaine de l’Atlas. Plus particulièrement la station de ski d’Ifrane, après avoir passé une journée dans la station de ski du Lesotho, on s’est dit que ce serait marrant d’aller dans une autre station d’Afrique ! Nous mettons 2 jours pour y parvenir. A rythme de tortue, évidemment. Nous trouvons 2 jolis spots au bord de réservoirs (bien bas !), où nous échangeons avec des pêcheurs et essayons de faire école au milieu d’un troupeau de moutons.
Dimanche 26 juin, nous arrivons à Ifrane après avoir traversé des paysages totalement différents : ici, nous avons roulé au milieu de forêts de pins et de mélèzes. En plein été, la station est absolument déserte, à l’exception de quelques promeneurs venus chercher la (relative) fraicheur. Grâce à Martin qui s’incruste dès qu’il y a un ballon, nous faisons la connaissance d’une charmante famille de Meknès venus dans la région pour le week-end et passons une chouette fin de journée avec eux. Puis lorsque la nuit tombe, il est l’heure de passer à table. Ce soir, c’est tartiflette ! Ben oui, on est en montagne, il fait frais et on a encore 500g de fromage à cuisiner, c’est le moment idéal 😉
Le lendemain, nous arrivons à Fès. C’est l’une des villes impériales du Maroc, que nous avions adorée quand nous sommes venus avec Renaud en 2001 et que nous avions vraiment envie de revoir. Nous y retrouvons avec grand plaisir Karine, Yves et Oscar que nous avions rencontrés à Fint. Avec eux, nous commençons par visiter le cimetière juif de la ville, puis nous nous perdons dans les incroyables ruelles de la médina : entre les petites rues calmes plutôt dédiées aux habitations et les rues animées de marchands et de stands en tous genre, il y a de quoi satisfaire toutes les envies. Le pauvre Oscar est accaparé, que dis-je… harcelé par les garçons après qu’il a eu le malheur de leur dire qu’il jouait souvent à Minecraft. Nous nous arrêtons pour déjeuner tous ensemble dans un joli restaurant sur un toit terrasse, puis nous nous séparons. Nos amis n’ont plus que quelques jours pour remonter en France, tandis que nous décidons de passer une seconde journée à Fès tellement nous nous sentons bien dans cette ville. Du coup, nous cherchons un bivouac proche de la ville, et nous nous retrouvons sur un affreux parking en contrebas. Il a au moins le mérite de ne pas être top bruyant, ça fera l’affaire !
Le lendemain, nous retournons dans la vieille ville. Jus d’orange frais, tajine le midi, visite des célèbres tanneries de Fès, visite d’un magasin de cuir et achat de plusieurs tuniques pour moi, nous passons encore une excellente journée ! Et le soir, nous trouvons encore un chouette spot au bord d’un lac à l’écart de la ville. Bon on tourne un peu pour trouver un coin propre et sans boue, mais avec un peu de persévérance on finit par trouver.
Le lendemain, nous allons à la découverte de Meknès, autre ville impériale juste à côté de Fès. Nous sommes un peu déçus car les remparts et les portes principales, qui font la renommée de la ville, sont en travaux. Nous déambulons quand même dans les ruelles et achetons quelques fruits et légumes, mais nous sommes un peu moins enthousiastes que la veille. Décidemment, Fès restera un coup de cœur pour toute la famille ! Du coup, nous décidons d’abréger un peu la visite de la ville, et de nous rapprocher de notre prochaine étape. A vrai dire celle-ci vient de s’improviser, nous venons d’entendre parler de Volubilis, une ancienne citée romaine dont les vestiges ne sont pas très loin. Sur la route pour y aller, nous traversons d’immenses champs d’olivier et l’air embaume l’huile d’olive. Nous ne résistons pas et nous arrêtons à l’un des nombreux moulins pour acheter un bidon qui nous coûte une poignée d’Euros à peine. Arrivés en fin de journée près du site de Volubilis, nous préférons faire la visite à la fraiche le lendemain matin et nous posons dans un joli coin près d’un ruisseau à sec. Nous trouvons les bivouacs au Maroc vraiment facile, il y a pas mal de points indiqués sur des applis (iOverlander et Park4Night), et c’est assez facile de trouver des spots par nous-même également.
Jeudi 30 juin, nous nous lançons à l’assaut de la ville romaine, qui est effectivement superbe, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas visité un moment historique ! Après les nombreuses ruines romaines visitées en Israël, et précédemment en Turquie, cela nous permet de vraiment visualiser la puissance de l’empire romain à l’époque ! Nous passons presque 4 heures sur le site, à arpenter les ruelles, à rêver des temps anciens, à admirer les fresques en mosaïques, à jouer à cache-cache entre les colonnes. Après cette matinée intense, l’après-midi n’est pas violente, nous nous reposons un peu et avançons en fin de journée vers notre prochaine destination : la ville de Chefchaouen.
Au milieu des montagnes, la route pour y parvenir est très vallonnée et lorsqu’on arrive en fin de journée sous la lumière dorée du soleil, le panorama sur la ville bleue est à couper le souffle. Nous grimpons tout en haut de la ville pour nous poser près d’un parc. Nous savons que les bivouacs autour de la ville sont un peu compliqués en raison de la … spécialité de la ville. Chefchaouen est la capitale du haschich, avec de nombreux champs surveillés tout autour de la ville. On nous en propose d’ailleurs à plusieurs reprises lors de notre visite de la ville et à notre fenêtre près du parc.
Nous consacrons toute la journée du lendemain à la découverte de la ville et nous nous régalons. Ces ruelles et maisons peintes en bleu et blanc, c’est absolument magnifique. Certes certaines rues de la ville sont très touristiques et il faut discuter un moment les prix pour parvenir à un accord, mais nous sommes vraiment sous le charme et je me régale à prendre des centaines de photos malgré l’heure pas du tout propice.
Chefchaouen est notre dernière étape de visite au Maroc. Notre bateau pour l’Espagne part de Ceuta, l’enclave espagnole après-demain. Entre-temps nous devons faire un test PCR pour Eliott afin qu’il puisse rentrer sur le territoire européen. Nous nous en occupons à Tétouan, mais ne visitons pas la ville. Le 2 juillet, nous entrons sans encombre à Ceuta. Alors que nous sommes toujours géographiquement sur le continent africain, nous voici géopolitiquement en Europe ! Nous constatons une très forte présence policière, conséquence des terribles événements survenus il y a quelques jours à Melilla, l’autre enclave espagnole où près de 2000 personnes en situation désespérée ont tenté de forcer le passage de frontière. Nous sommes également très fouillés à cette frontière, pour la première fois un chien anti-drogue entre chez nous pour s’assurer que nous ne transportions rien d’illégal. D’ailleurs ça nous avait traversé l’esprit à Chefchaouen : enfin pas de transporter de la drogue, évidemment, mais que quelqu’un ait pu cacher un paquet sous notre véhicule pour le faire entrer en Europe ; Renaud avait passé un petit moment sous le châssis pour vérifier.
C’est notre dernière nuit sur le continent africain. En regardant le panorama à nos pieds nous sommes saisis d’émotions contradictoires : l’envie pressante de voir nos proches, de nous poser quelque part, la nostalgie que cette aventure se termine (déjà), la fierté du chemin parcouru, l’inquiétude quant à la suite (rythme, obligations, routine…).
Bye bye Africa ! Tu resteras à jamais dans nos cœurs, passionnante, fatigante, intense, vivante, déroutante, fascinante, énervante, surprenante, addictive, authentique, contrastée… Ah ben mince alors, moi qui rappelle sans cesse qu’on ne peut pas faire de généralités quand on parle de l’Afrique et de ses 54 pays, voilà que je finis par en faire moi-même… 😉