Enfin le Maroc qu’on aime !
Lundi 13 juin, dans l’après-midi, nous arrivons à notre 1ère « vraie » étape marocaine : Tafraout, dans l’intérieur des terres. Nous nous sommes en effet décidés à ne pas longer le littoral pour remonter le pays : cela fait plusieurs semaines que nous sommes sur la côte atlantique et nous ne ressentons pas le besoin de nous baigner davantage, en revanche nous avons très envie de nous enfoncer dans les terres et notamment dans l’Atlas. Nous sommes d’ailleurs très contents de commencer à voir un peu de relief sur la route, ça nous avait manqué depuis plusieurs mois ! Dommage que le ciel soit très couvert, décidément entre le vent dans le sud et les nuages ici, pour l’instant nous ne sommes pas très chanceux côté météo au Maroc ! Nous nous installons pour la nuit dans un endroit tranquille sous des palmiers, nous avions lu quelque part que des « gardiens » viendraient certainement nous demander de l’argent pour passer la nuit ici mais il n’en est rien, juin n’est vraiment pas un mois très touristique ici, ce qui nous convient très bien ! Le lendemain, nous allons faire un petit tour au village mais ne sommes pas emballés : les prix nous semblent largement gonflés, contrepartie certainement de la présence ici pendant plusieurs mois de nombreux camping-caristes français et espagnols. Qu’à cela ne tienne, nous bougeons un peu plus loin !
Sans carte du pays ni guide, ce n’est pas toujours facile de nous rendre compte du relief ou de la taille des routes. Et ce que nous pensions être une piste pittoresque pour rejoindre Taroudant s’avère être un joli ruban de goudron qui n’est pas pour nous déplaire 😉 Nous nous garons à l’extérieur de la ville, proche de l’université, pour pouvoir la visiter le lendemain.
Taroudant est l’une des villes impériales du Maroc, elle est entourée de magnifiques remparts et il faut chercher les portes pour entrer dans la médina, le cœur de la cité. Tout de suite, nous aimons l’ambiance de la ville, même si elle est assez grande. Mais ne me demandez pas pourquoi (pour une histoire de cerises et de carte bancaire si je me rappelle bien…), Renaud et moi nous nous disputons. Ça nous arrive rarement, et encore moins en voyage mais là vraiment je n’ai aucune envie de passer la journée avec lui et je crois comprendre que le sentiment est réciproque. Soit. Je prends les gosses et l’argent, lui garde les clés du camping-car et nous partons chacun de notre côté. Et bien figurez-vous que nous passons tous les 4 une excellente journée ! Nous nous perdons dans le souk abondant de la ville, nous sommes fiers de dégoter un restaurant local où nous nous régalons d’un bon tajine, et nous allons même visiter une petite tannerie de l’autre côté des remparts. Un employé nous fait une visite guidée et les enfants sont hyper-attentifs, surtout quand ils découvrent que l’un des bassins est rempli de fiente de pigeons, produit naturel utilisé en tannerie pour bloquer les effets d’autres produits. Le petit moment de stress, c’est lorsque je dois ramener toute ma petite famille au camping-car alors que nous avons sillonné toute la médina en long, en large et en travers. Ceux qui me connaissent savent que je n’ai absolument aucun sens de l’orientation (mais genre… vraiment aucun !!), et mon mobile n’a presque plus de batterie. J’espère aussi secrètement que Renaud n’aura pas changé de parking pour m’embêter, mais il est bien trop gentil pour ça. Je l’imagine plutôt en train de faire 3 fois le tour des remparts pour nous chercher si nous ne rentrons pas à la maison d’ici 18h !! Mais je vous rassure, pas la peine d’alerter les secours, nous rentrons sains et saufs autour de 17h, toute rancœur oubliée… et oui, difficile de rester longtemps fâchés quand on vit dans 12m² ! Et pour ceux qui se demandent ce qu’a bien pu faire Renaud : il est rentré rapidement au camping-car, n’ayant plus envie de visiter la ville, et a avalé un sandwich pour le déjeuner. Clairement, on était bien mieux dans ma team !!!
Nous quittons la ville pour trouver un bivouac dans la campagne, et nous nous installons au milieu de nulle part, devant un magnifique arbre que nous ne connaissons pas mais qui ressemble à un olivier. Au loin, nous apercevons un berger et son troupeau de chèvres. Nous nous approchons pour nous présenter et avons la surprise de découvrir que les chèvres grimpent dans les arbres pour se nourrir ! L’homme, qui ne parle pas un mot de français ni d’anglais, nous fait comprendre qu’il s’agit d’arganiers, dont on utilise le fruit/la noix pour produire de l’huile d’argan. Qu’elles sont drôles ces chèvres à sauter de branches en branches, dans un équilibre précaire ! Nous passons une super nuit au calme, le paysage est vraiment beau autour de nous.
Le lendemain matin, d’ailleurs, nous prenons tout notre temps tellement nous sommes bien ici. Puis nous reprenons la route plein est, vers notre prochaine étape où nous arrivons en fin de journée : Aït Ben Haddou, sur les contreforts de la chaîne de l’Atlas. Il s’agit d’un Ksar, un groupement d’habitations en terre protégé derrières de solides murailles. Le panorama lorsque nous arrivons en fin de journée est époustouflant. Nous sommes sur un point de vue de l’autre côté de la rivière à sec, nous sommes seuls. C’est tellement beau que nous décidons de rester là pour la nuit, juste devant un hôtel désaffecté. Au pire quelqu’un viendra nous dire qu’on ne peut pas rester, au mieux on aura un réveil de dingue. Et c’est bien la 2ème option qui se produit : le réveil avec ce paysage est sublime, l’un de ceux qui resteront gravés dans nos mémoires !
Vendredi 17 juin, nous quittons donc ce magnifique point de vue au petit matin pour débuter la visite de la ville à pied. De près, c’est tout aussi joli : de petites ruelles, des tours, des maisons en terre, des escaliers qui conduisent au sommet de la colline. On se régale. Alors certes c’est touristique, certainement l’endroit le plus touristique que nous ayons visité depuis Petra en Jordanie ou les pyramides d’Egypte, il y a 3 ans, avec beaucoup de boutiques de pseudo-artisanat et de chinoiseries. Mais nous ne trouvons pas les vendeurs trop insistants et nous passons vraiment une belle matinée, prenant le temps de boire un verre sur l’une des terrasses panoramiques de la ville. Mais la chaleur se fait quand même sentir autour de midi, et nous préférons aller déjeuner ailleurs.
Nous sommes vendredi, jour du couscous au Maroc et nous avons bien l’intention d’en manger un aujourd’hui ! Direction Ouarzazate, où nous demandons conseil à des passants qui nous suggèrent un restaurant en ville où nous nous régalons d’un couscous traditionnel… miam ! Après le déjeuner, nous envisageons d’aller visiter les studios de cinéma locaux, la région de Ouarzazate étant un lieu très prisé pour les tournages (Asterix, Gladiator…), mais nous changeons d’avis devant le prix d’entrée que nous trouvons un peu élevé. Sur le parking, nous avisons un 4x4 français avec une tente de toit. Par reflexe, nous nous approchons pour jeter un œil voir s’il y a des traces d’enfants dedans (livre, gourde etc.), mais rien. Nous ne sommes pas encore habitués à voir beaucoup de véhicules immatriculés en France alors forcément ça attire notre regard 😉 Nous laissons donc Ouarzazate derrière nous sans davantage visiter la ville, et lui préférons l’oasis de Fint, un havre de paix conseillé par beaucoup de nos amis voyageurs. Et effectivement, après avoir zigzagué entre les palmiers, la vision de cette oasis de verdure au milieu de ces parois rocheuses est vraiment sympa. Le niveau du ruisseau est très bas, mais suffisant pour se tremper les pieds et jouer avec les grenouilles. Quelques heures plus tard, alors que nous sommes installés et en train de discuter avec un habitant très sympa, le 4x4 que nous avions repéré à Ouarzazate s’approche. Il y a bien une famille de 3 avec un enfant dedans, mais Octave est un grand enfant puisqu’il a 22 ans ! Nous faisons la connaissance de Karine et Yves, qui ont fait un Tour du monde d’un an en 2009 (sans portable, avant booking et airbnb qui facilitent bien les voyages aujourd’hui !) avec leurs 4 enfants de 3 à 13 ans et qui prévoient de repartir 6 mois en 2023 lorsque la plus jeune aura eu son bac. Je trouve ça dingue leur projet : les plus grands sont prêts à démissionner de leurs boulots et à embarquer leurs copines et leurs chiens pour partir en famille, à 3 véhicules équipés de tente de toit, sur la route de la soie ! J’avoue que ça me rend rêveuse et optimiste, moi qui me dis que mes enfants ne voudront probablement plus voyager avec nous dans quelques années ! Nous passons une très agréable soirée en leur compagnie, ainsi qu’avec Hussein, un habitant de Fint qui se joint à nous et avec lequel nous échangeons beaucoup.
Le lendemain, nos routes se séparent : Karine, Yves et Octave (que les garçons n’ont pas lâché d’une semelle lorsqu’il leur a dit qu’il jouait à Minecraft !!) ne sont au Maroc que pour 3 semaines et ont un programme de visites bien chargé, ils se dirigent vers la côte atlantique. De notre côté, nous poursuivons notre route vers l’intérieur des terres. Mais au final nous trainons tellement dans l’oasis que nous ne roulons pas beaucoup : nous bivouaquons au bord d’un réservoir à la sortie de Ouarzazate… encore un joli bivouac super calme, c’est décidément plutôt facile de trouver de chouettes spots au Maroc !
Dimanche 19 juin : toujours sur la route filant vers l’est du pays, nous sommes attirés par un ksar abandonné au bord de la route. Je n’ai pas retenu le nom de ce petit village, mais nous nous y arrêtons pour déambuler entre les ruines des maisons en terre, tout en faisant attention à ne pas prendre de risques. Nous avions prévu de nous arrêter pour la nuit à Skoura, mais une fois arrivés nous ne sommes pas convaincus. Enfin si, l’endroit est très joli et tranquille avec sa palmeraie, mais nous ne trouvons pas de spot à notre goût pour nous poser pour la nuit. Nous décidons donc de poursuivre un peu. Au final je ne sais pas si c’était une bonne ou une mauvaise idée, car à vouloir trouver un joli spot, nous nous retrouvons sur une piste de montagne très très étroite, le genre de piste où l’on hésite à un moment à faire demi-tour car ça ne semble mener « à rien », mais en même temps on a déjà pas mal roulé sur cette piste donc c’est bête de refaire le trajet en sens inverse. Finalement, des locaux avec lesquels nous discutons un moment dans un virage nous conseillent de continuer et de tourner à gauche un peu plus loin pour rejoindre une source naturelle où nous pourrions dormir. Arrivé sur place, on s’aperçoit vite qu’on ne pourra pas dormir ici, c’est trop étroit et en pente. Mais on prend quand même un moment pour nous dégourdir les jambes et imiter les locaux qui remplissent leurs bidons et bouteilles ici. Certains viennent de loin, car il paraît que cette eau est la plus pure de la région ! Encore une fois, que c’est agréable de pouvoir parler en français avec de nombreux marocains, ça rend les échanges vraiment sympas et intéressants ! Avec tout ça, il est près de 20h, le soleil se couche bientôt et on ne sait toujours pas où dormir. Et alors qu’on n’y croyait plus et qu’on s’apprêtait à rejoindre la route principale, bingo un terreplein au sommet d’une petite colline qui fera parfaitement l’affaire !
Le lendemain, le ciel est très gris. Nous reprenons la route vers notre objectif de la journée, un endroit que je rêve de voir depuis plusieurs années, les gorges du Dadès ! En chemin nous nous arrêtons pour déjeuner dans un petit restaurant en face du canyon des doigts du singe. Il y a de jolies balades à faire dans le coin, mais entre la pluie qui s’invite au programme et notre manque de motivation pour marcher, nous évacuons rapidement cette possibilité. Nous avons un rythme vraiment cool depuis que nous sommes au Maroc, et devons nous secouer un peu pour bouger ou faire des activités. Je pense qu’il y a un mélange de « fin de voyage », « on en a déjà vu beaucoup » et de « on pense à la suite ». Ce n’est pas grave, quand on voyage longtemps (et même en dehors du voyage d’ailleurs !), il faut accepter de ne pas être tout le temps « au taquet », et ne pas culpabiliser de ne pas avoir envie de visiter. D’ailleurs à ce sujet petite digression : je n’aime pas particulièrement l’expression « profitez bien » ou « profitez à fond » que l’on dit souvent (moi la première !) à quelqu’un qui part en voyage, comme s’il y avait une obligation de rentabiliser le voyage, une pression invisible qui inciterait à optimiser ce temps libre, à consommer des must-do ou des must-see… ne rien faire, c’est bien aussi ! Vive la fénéantise !! Et pour revenir à mon récit, nous voici donc au pied du serpent du Dadès, cette route qui grimpe en quelques lacets vertigineux et qui s’enfonce ensuite dans un canyon escarpé. C’est dommage il pleuvine un peu, pensez-vous qu’on en « profite » autant que lorsqu’il fait beau ? 😉