Immersion chez les Diolas

Publié le par Maryline

Vendredi 6 mai : nous venons de quitter la côte et sommes sur la route pour rejoindre le village d’Elinkine, qui devrait être notre premier arrêt dans les villages bordant le fleuve Casamance. Je sais que les filles Charlie et Olivia ne sont pas loin, je les contacte et effectivement elles sont à la pointe Saint-Georges, un autre petit village tout proche. On irait bien les rejoindre, mais toutes les infos qu’on a (notre guide + l’appli Ioverlander) nous indiquent que la piste est en sable « mou », impraticable pour nous. « Mais pas du tout, me répond Olivia, c’est une piste en graviers, ça passe très bien ! ». Alors que nous sommes en train d’échanger, le panneau « Pointe Saint-Georges, à droite » surgit devant nos yeux, nous avons 5 secondes pour décider : Elinkine attendra, on tourne à droite ! Effectivement la piste est bien roulante et nous rejoignons les filles avec plaisir pour une nouvelle soirée ensemble. La veille, elles ont vu des dauphins dans le fleuve juste devant elles !

Immersion chez les Diolas

Le lendemain, après le petit-déjeuner, nous voyons le ferry provenant de Dakar remonter le fleuve Casamance en direction de Ziguinchor, à sa proue plusieurs dauphins s’amusent en sautant . Nous discutons du programme de la journée. Nous sommes censés aller à Elinkine, et les filles dans un autre village de l’autre côté. Elles ont rencontré Pierre, un sénégalais, lorsqu’elles étaient à Cap Skirring, qui leur a dit qu’une fête avait lieu dans son village.

« - Ça vous dit de venir avec nous ? nous demandent-elles

- Ah pourquoi pas, c’est quel genre de fête ?

- Aucune idée !

- Et c’est où exactement ?

- On ne sait pas, on doit aller à Enampor et appeler Pierre, ça doit être dans les environs

- Ah ok, ça a l’air sympa, on vous suit ! »

Et voilà comment nous nous retrouvons samedi 7 mai autour de midi à Enampor sans avoir la moindre idée de ce dans quoi nous nous embarquons ! Évidemment, Pierre ne répond pas lorsque les filles l’appellent. On demande au village où se passe la fête, et on arrive à identifier que c’est à Kamobeul, un petit village à côté. Direction Kamobeul alors ! Avant le village, nous hésitons à une intersection. Un homme s’approche, on lui dit qu’on cherche Pierre. « Pierre comment ? » « Pierre tout court ! On ne connait pas son nom de famille… » Mais quand les filles lui disent qu’elles l’ont rencontré à Cap Skirring, ça fait tilt « ah Pierre de Cap, oui il habite là-bas, je vous y emmène ». On pose ensuite les voitures sous un immense fromager et on s’enfonce dans le village à pied… jusqu’à ce qu’on soit rejoint par Pierre !  

Immersion chez les Diolas
Immersion chez les Diolas

Nous en apprenons enfin davantage sur cette fête. Il s’agit d’une fête traditionnelle chez l’ethnie Diola, qui a lieu tous les 2 ans (mais qui n’a pas pu se tenir en 2020 à cause du covid). Les enfants sont emmenés au « bois sacré » pour préparer leur entrée dans l’âge adulte, en attendant la grande cérémonie du Bukut qui a lieu tous les 30 ans environ (ce sont les sages du royaume diola qui se concertent et décident la date). Le bukut dure plusieurs semaines, les jeunes et les hommes qui n’ont pas pu participer au précédent bukut y sont circoncis ce qui leur donnera ensuite l’autorisation de se marier et d’avoir leur propre maison. Dans la région, le dernier bukut a eu lieu en 2004, il va falloir attendre encore un peu pour le suivant ! La fête à laquelle nous participons s’appelle « la petite circoncision », elle dure 3 jours et tous les villageois, même ceux qui travaillent à Cap Skirring ou Dakar, se réunissent pour faire la fête. Nous restons d’abord un moment avec Pierre et ses amis, à gouter du vin de palme dans une énorme calebasse. Nous remarquons rapidement que l’alcool coule à flot depuis le début des festivités, les gens sont bien entamés. Soudain, un tam-tam retentit : c’est le signe que les femmes ont terminé la préparation du repas. Le tam-tam est creusé dans un tronc de fromager fendu, c’est un instrument traditionnel chez les diolas. Tout le monde se rejoint sur la place centrale, et des petits groupes se forment autour des gamelles. Pierre nous amène un grand plat de Thiebou Dien dans lequel nous piochons tous avec les mains. Il nous dit qu’il y aura des danses un peu plus tard, alors on s’assoit tranquillement à l’ombre en attendant. Quelques gamins nous observent de loin, nous sortons notre tapis de sol et des feuilles noirs à gratter pour occuper tout ce petit monde pendant une demi-heure. De temps en temps, un énorme pétard retentit et tout le monde sursaute et crie.

Immersion chez les Diolas
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Vers 17h, une chose surprenante se déroule sous nos yeux : les femmes qui sont en train de faire la vaisselle balancent les bassines dans lesquelles tout le monde s’est lavé les mains (je vous laisse imaginer l’état de l’eau !!) sur quelques femmes et hommes, qui se roulent ensuite dans la terre. Ces mêmes personnes défilent ensuite dans le village, sous les cris et les chants, avec un fagot de bois sur la tête. Nous apprenons que c’est un rituel par lequel doivent passer les couples qui n’ont que des filles, pour leur garantir que le prochain bébé sera un garçon. Nous n’avons pas le droit de prendre des photos de ce moment, par respect pour la tradition. Nous sommes en revanche encouragés à prendre des photos des danses qui se déroulent un peu plus tard : les femmes se sont changées et ont revêtu leur tenue traditionnelle, quelques hommes sont habillés en femme (là on n’a pas très bien compris pour quoi), tout le monde forme un grand cercle et à tour de rôle des gens entrent dans le cercle pour danser, au rythme des percussions et des cris. Nous passons un moment génial, Olivia, Charlie et moi sommes mêmes poussées dans le cercle pour esquisser quelques pas ! A 19h30, la fête bat toujours son plein, mais le soleil est en train de se coucher. Vu les quantités d’alcool qui ont été consommées dans la journée, nous préférons dormir un peu à l’écart du village. Il est donc l’heure de quitter la fête ! Il fait nuit noire lorsque nous nous installons pour bivouaquer dans un champ. Quelques personnes passent pour rentrer chez elles mais elles nous saluent chaleureusement.

Immersion chez les Diolas
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Le lendemain matin, alors que les filles travaillent et que nous faisons école, nous avons quelques visites ; les gens semblent contents que nous soyons venus hier, ils voudraient qu’on revienne aujourd’hui, visiblement la fête continue encore ! Nous discutons notamment longuement avec Philippe, prof d’anglais dans un lycée de Casamance, sur différents sujets politiques et sociétaux. Les échanges sont très intéressants, mais nous mesurons l’écart entre nos sociétés sur certains sujets, en particulier l’homosexualité ou la place des femmes (je l’ai d’ailleurs choqué sans le vouloir quand j’ai demandé à Renaud de ne pas oublier de laver ma robe rouge… impensable pour lui qu’un homme lave le linge de sa femme !!). Nous levons le camp en début d’après-midi mais n’allons pas très loin : nous devons remplir nos réservoirs d’eau et allons pour cela au puits d’Enampor, en nous assurant au préalable qu’il n’y a pas de problème pour nous servir. Pour la première fois, nous prenons l’eau au seau !  Nous ne remplissons qu’un seul réservoir, ça nous suffira pour quelques jours.

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Avec les filles, nous décidons de suivre la piste vers le nord en direction du village de Bandial, espérant y trouver un joli bivouac pour dormir. La piste est magnifique, mais passe par-dessus la mangrove, il n’y a pas de piste qui part de la route principale. Et nous finissons par arriver à Bandial, là où la piste s’arrête. Immédiatement, je suis sous le charme de ce petit village isolé, au bord du fleuve et entouré de mangrove et de baobabs. Quelques hommes s’approchent de nous, ainsi qu’une nuée de gamins que le chef du village fait déguerpir. Il essaie de leur apprendre à ne pas solliciter les touristes ! Les locaux ont l’air contents de nous accueillir, ils nous proposent de dormir au pied de 2 beaux baobabs, près de la clinique. Nous acceptons et profitons d’un magnifique couché de soleil. A côté de nous, des femmes préparent des huitres qu’elles ont ramassé un peu plus tôt sur les racines des palétuviers et qu’elles iront vendre en ville. Plus petites que chez nous, elles sont grillées au feu de bois. Nous achetons un gros bol pour l’apéro, 1500CFA (=2,60€) pour un gros bol d’huitres décortiquées ! Ça nous semble bien peu par rapport au travail fourni !

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Lundi 9 mai : nous nous réveillons au bruit des cochons qui grattent la terre sous le camping-car… original comme réveil ! Rémy, qui nous a accueilli hier, nous prend sous son aile pour nous faire visiter son village et notamment une case à impluvium. Ce sont des cases traditionnelles dont on trouve quelques exemplaires encore en Casamance. Le toit de ces cases est « troué » et pentu de sorte que l’eau de pluie est recueillie dans un puit central. Les murs sont en argile et il y a plusieurs pièces pour les membres de la famille. Traditionnellement, les toits sont en paille, mais la case de Nouah, qui nous accueille, a brulé en 2014 et il n’avait pas assez d’argent pour refaire un toit de paille, il a mis des tôles à la place. Les échanges avec les 2 hommes sont passionnants, ils regrettent le fait que ces cases soient amenées à disparaitre (notamment les cases habitées, il y a des projets de réhabilitation de cases à impluvium mais plutôt pour en faire des logements pour touristes), mais il comprend que les enfants aient envie d’autre chose : un logement dont il ne faut pas refaire les murs sans arrêt, un logement sans poussière, moins sombre… encore un exemple de la difficulté de concilier traditions et modernité !

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Nous quittons le charmant village de Bandial en fin de matinée, et allons sur Ziguinchor pour le déjeuner. Pile au moment où nous nous garons, un orage incroyable éclate et des litres d’eau se déversent sur nos têtes. La saison des pluies n’est pas loin ! Les gens l’attendent avec impatience ici, mais nous allons la fuir car vu comment les routes de la ville se sont remplies d’eau en quelques secondes, ça serait trop compliqué pour nous de rouler ! Nous traversons ensuite le fleuve Casamance pour aller explorer le côté nord de la région. Nous laissons rapidement tomber la grande route goudronnée et lui préférons une petite piste qui nous conduit au village d’Affiniam, où nous prévoyons de passer la nuit. En chemin, nous remplissons une véritable mission : acheter des légumes ! pas si simple dans les tous petits villages que nous traversons, nous finissons après avoir demandé 5 ou 6 fois, par débusquer chez elle LA dame qui vend des légumes. Effectivement, Aminata nous sort un gros panier avec quelques légumes et nous lui vidons une bonne partie de son stock. A Affiniam, nous trouvons un joli spot tout au bout de la piste, au bord du fleuve, tellement paisible ! Martin s’essaie à la pêche et est heureux de ramener un petit poisson, nous prenons l’apéro sur le bateau du village, en mode « chill ».

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Le réveil est bien moins paisible, le bateau quitte Affiniam tous les matins à 9h30 pour rejoindre Ziguinchor et le petit port où nous sommes est bien agité avec des motos et des gens qui attendent la pirogue. Mais à 9h40, le calme revient ! Nous galérons un peu pour sortir du village, la piste est très étroite avec des ornières et un dévers, on frotte un peu le bas de caisse mais pépère s’en sort très bien, comme d’habitude. Nous sommes dans une région où les anacardiers sont cultivés (noix de cajou). Nous apprenons qu’1 kilos de noix non préparées ni décortiquées s’achète par les grossistes autour de 500CFA/Kg (=0,80€). Et je vous rappelle qu’il faut 1 fruit pour avoir 1 noix ! Elles sont ensuite vendues à des entreprises (indiennes souvent !) qui vont les cuire puis les décortiquer et ensuite les exporter sur les marchés internationaux.

Après un bivouac aux abords d’une forêt (où les filles nous font découvrir le film RRRrrrr !!!), nous galérons à nouveau sur une piste trop étroite pour nous : des branches un peu dures de chaque côté font crisser la carrosserie et endommagent notre store. Demi-tour ! Ou plus exactement marche arrière ! Alors que nous nous apprêtons à faire un long détour pour rejoindre la route principale à Baïla, un camion nous propose de le suivre par un raccourci : la piste est un peu technique pour nous (un peu de sable, quelques virages serrés, quelques branches, un lac salé…) mais magnifique ! Et nous voici de retour sur le bitume. Toujours en compagnie d’Olivia et Charlie, nous prenons à présent la direction de la côte Atlantique, toujours dans cette jolie région de Casamance.

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Publié dans Senegal

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