Shipper un véhicule d’Afrique du sud au Sénégal
Dans cet article qui n’intéressera probablement que les futurs voyageurs, je vais vous résumer nos démarches pour shipper (=envoyer par cargo) notre camping-car d’Afrique du Sud (Durban) au Sénégal (Dakar).
Tout d’abord : pourquoi ce choix ?
Initialement, nous avions prévu de faire le tour de l’Afrique en camping-car, nous aurions donc dû remonter par la route. Mais ça c’était avant une certaine pandémie mondiale qui nous a obligés à changer nos plans. Beaucoup de pays d’Afrique de l’ouest n’ont rouvert leurs frontières terrestres aux voyageurs véhiculés qu’au premier trimestre 2022, dont l’Angola, par exemple, 1er pays sur notre trajet pour remonter depuis l’Afrique Australe. Sachant que nous devons rentrer au plus tard en juillet 2022, nous n’avions plus assez de temps pour remonter par la route (il y a 13 pays au plus court entre la Namibie et la France !). Nous avons donc opté pour un shipping ; restait à choisir la destination ! Avec l’ouverture de l’Angola en janvier, nous aurions pu remonter par la route jusqu’au Cameroun, et shipper directement en Europe depuis Douala. Mais nous avions vraiment envie de rentrer « en roulant » et non en avion. Par ailleurs cette partie de l’Afrique de l’ouest est peut-être la plus compliquée en véhicule (état des routes, corruption…). Nous avons donc opté pour la facilité d’arriver en Afrique de l’ouest francophone. On aurait vraiment adoré shipper au Ghana pour profiter au maximum de cette partie du continent, mais le timing n’était pas bon : en 4 mois, pas assez de temps, à notre rythme, pour découvrir tous les pays sur la route : Ghana, Côte d’Ivoire, Guinée, Sénégal, Mauritanie et Maroc a minima. Sans compter qu’à l’heure de décider, le Ghana et la Côte d’Ivoire étaient encore officiellement fermés par la route (mais ça passait officieusement moyennant finances) et que les prix demandés pour les tests PCR obligatoires étaient affolants (150$/personne au Ghana). Bref avec les infos dont nous disposions en début d’année, nous avons préféré jouer la « sécurité » et prendre notre temps pour découvrir le Sénégal, la Mauritanie et peut-être la Gambie et la Guinée-Bissau.
Quel type de transport ?
Compte-tenu de la taille de notre camping-car (7m x 2,30m x 3m, soit 48,3m3), nous avons 2 choix : RoRo ou FlatRack. Nous avons opté pour le RoRo, plus avantageux financièrement. Il faudra laisser les clés aux opérateurs qui conduiront le véhicule dans et hors du bateau.
Quel port de départ ?
Si Cape Town est un port de prédilection pour les containers, c’est plutôt de Durban que partent/arrivent les Roro. Ou bien de Port Elizabeth également. Durban nous arrangeait bien et nous y avons trouvé un agent de confiance.
Quel agent ?
Par le bouche à oreilles, nous avons contacté Vernon, de VPR Logistics. Nous avons un eu un bon feeling, il est très réactif par mail et WhatsApp et s’est déjà occupé de faire transiter des véhicules comme le nôtre. Seul petit bémol, un manque de transparence sur la tarification, la facture finale faisant apparaitre un « forfait » tout compris (fret + frais au port de départ), on n’a pas vraiment eu le détail des coûts réels payés (y compris sa commission). Malgré cela nous le recommandons chaudement.
Vernon Naidu
Site web : www.vprgloballogistics.co.za
e-mail : vernon@vprgloballogistics.co.za
Mob : +27 61 894 3064
Quelle compagnie maritime ?
Il faut savoir qu’il y a très peu de lignes maritimes qui « remontent » l’Afrique de l’ouest. En effet la plupart des lignes partent d’Europe, descendent l’Afrique de l’ouest en s’arrêtant à tous les ports et une fois arrivés en Afrique du sud, les bateaux remontent directement en Europe. Nous avons au final trouvé 2 compagnies ayant des lignes s’arrêtant dans quelques pays d’Afrique de l’ouest en remontant (Ghana et Cote d’Ivoire notamment):
- Autoligniers
- Eukor
Au final, Vernon nous a mis sur un cargo de la compagnie Eukor, le Morning Carol, mais affrété par la compagnie WWO.
Les démarches au départ : grâce à l’aide de Vernon, elles sont très simples. La plus grosse difficulté est l’organisation au jour près car les dates bougent sans arrêt. Au final, après plusieurs reports, nous avons déposé notre véhicule le 28 février 2022 dans un entrepôt des douanes à environ 20km du port. Nous avons eu RDV à 8h le matin, en compagnie de Vernon. Nous avons attendu d’être pris en charge par un douanier qui s’est contenté de relever l’aspect extérieur du camping-car et de vérifier la conformité du numéro de châssis avec nos documents (pas de visite de l’intérieur). Nous avons alors fermé définitivement le véhicule. Nous n’avons plus le droit d’y toucher jusqu’à son transport au port. Nous laissons au douanier le Carnet de passage, Vernon le récupèrera le lendemain dûment tamponné. Le 7 mars (ça devait être le 3 mais le cargo a eu du retard), Renaud s’est rendu à l’entrepôt et, escorté par une voiture de douanier, a conduit le véhicule au port où il a retrouvé Vernon. Il n’a pas été autorisé à entrer dans le port, il a laissé les clés au douanier qui a conduit le véhicule à son emplacement de parking en attendant l’embarquement. Il a récupéré le CPD et nous a rejoint. C’est terminé pour les formalités de départ ! A noter que le cargo n’est parti que le 11 mars. Dans nos premiers échanges avec Vernon le départ était prévu fin février.
Le trajet
RAS, 17 jours de traversée (16 prévus). Le bateau est arrivé le 28 mars à Dakar. Aucune démarche n’est possible s’il arrive un samedi ou un dimanche.
Les démarches à l’arrivée
Etant sur place plusieurs jours avant l’arrivée du cargo, nous avons pu nous renseigner sur les démarches pour sortir le véhicule du port. Nous avons envisagé de passer par un agent, mais les prix annoncés (1100€ de frais et commission) nous ont paru excessifs. Nous avons décidé de faire les démarches seuls.
- 1ère étape : récupérer le Delivery Order (bon à délivrer), document nous autorisant à sortir un véhicule du port. Pour cela il faut aller dans les bureaux de la compagnie (ou de son agent sur place, en l’occurrence Diamond Shipping Senegal pour nous). Le Delivery Order est remis en échange du Bill of Lading, document important que nous a remis Vernon et qui prouve que le véhicule est bien chargé sur le cargo. Ça peut se faire avant l’arrivée du bateau ; c’est une démarche payante : 95 000 FCFA (145€)
- 2ème étape : assurer le véhicule : nous avons payé 15 300 FCFA (23€) pour 3 mois (Aksia Assurances).
- 3ème étape : faire signer le carnet de passage en douanes au bureau des douanes au port.
- 4ème étape : il faut attendre que le véhicule soit déchargé ! le bateau est arrivé le 28 mars, mais notre véhicule n’a été débarqué que le lendemain. Une fois le véhicule déchargé, il faut aller à Dakar Terminal (bureaux en centre-ville) pour payer les frais d’utilisation du port (135 000 FCFA =205€ pour un véhicule entre 3 et 6 tonnes).
- 6ème étape : à la capitainerie du port, qui fournit un papier (gratuit) que personne ne nous a demandé par la suite…
- 7ème étape : le retrait du véhicule, enfin ! Pour entrer dans le port, il faut déposer une pièce d’identité, et porter un gilet jaune, un casque et des chaussures de sécurité (location 1000FCFA =1,5€). Ce sont les employés qui vont chercher le véhicule et le conduisent jusqu’à Renaud. Ensemble ils font un constat sur l’aspect extérieur (en l’occurrence pour nous constat d’une fenêtre fracturée), puis donnent le bon de livraison qui atteste que le véhicule nous a bien été remis.
- 8ème étape : retour à la brigade pour faire constater le véhicule, le bon de livraison et le numéro de châssis. Au niveau de la porte de sortie du port, ils enregistrent la sortie du véhicule et cette fois c’est parti, pépère s’insère dans la circulation intense de Dakar !
Au total les démarches le Jour J ont pris 7 heures (à partir de la 4ème étape). Nous n’avons payé que 350€
Prix total
- R65 000 (=3800€) de fret et taxes de départs. Le prix a augmenté de 300€ par rapport au devis qu’on avait eu pour un shipping 2 mois plus tôt (augmentation du pétrole notamment)
- 350€ de frais à l’arrivée
- Soit un total de 4150€
Etat du véhicule
Nous avions installé une cloison de séparation entre la partie cabine et la cellule, vidé tous les placards hauts et laissé les portes ouvertes pour montrer que notre véhicule était vide. Il a quand même été fracturé : ils ont essayé dans un premier temps la grande baie latérale (la vitre est fendue au niveau de l’un des crochets), mais ils ont finalement cassé la fenêtre de la salle de bains. Ils ont fracturé le seul placard fermant à clé, et l’ont retourné. Ils ont fouillé les lits, minutieusement la penderie, ont laissé leurs empreintes sales sur tous les canapés. Mais au final ils n’ont pas pris grand-chose : de l’électronique cassé qu’on avait laissé là volontairement, une caisse en plastique, mon fauteuil décathlon (mais pas la table de camping, ni le fauteuil de Renaud), un grand panier que j’avais acheté en Ethiopie… Ils n’ont pas forcé la soute sous la banquette que renaud avait sécurisée avec une planche vissée. Ils n’ont même pas pris la machine à laver ni l’imprimante photo (le seul truc électronique qu’on a laissé et qui fonctionnait encore). Nous avions trié nos affaires de la façon suivante:
- Emporté avec nous tout ce qui a de la valeur financière ou sentimentale (on a pris des vols avec Emirates autorisant 2x23kg/personnes en soute)
- Caché dans un endroit vraiment « secret » ce qu’on ne pouvait pas prendre (poids, encombrement) mais qu’on ne voulait absolument pas perdre : outils, collection de couteaux d’Eliott, quelques souvenirs lourds)
- Placé dans la soute sécurisée mais facilement cassable (sous la banquette) ce à quoi on tient quand même mais qui ne rentre pas dans la cachette (ventilateurs, livres, compresseur…)
- Laissé quasiment en accès libre (dans la penderie) ce qu’on se moquait de perdre : quelques vêtements, électronique cassé, panier de Lego…
Des amis ont subi la même mésaventure la semaine précédente, d’après la caméra qu’ils avaient installés à l’intérieur de leur véhicule, les dégradations ont eu lieu au port de Durban avant l’embarquement. Nous sommes en train de faire des démarches pour essayer d’obtenir une compensation pour notre fenêtre cassée mais n’avons pas beaucoup d’espoir. La bonne nouvelle c’est que c’est une fenêtre aux dimensions standard pas trop chère donc on pourra la faire remplacer en France. Renaud a pu la réparer pour qu’elle s’ouvre et se referme donc ce n’est pas trop gênant au quotidien.
Voilà pour ce long article qui j’espère aidera les voyageurs qui auraient l’idée saugrenue de shipper leur véhicule sur Dakar !