Au royaume des félins
Nous profitons d’être dans une grande ville et d’avoir un peu de temps pour faire quelques réparations sur pépère : depuis plusieurs semaines, la pédale d’embrayage devient molle car nous avons une fuite dans le système hydraulique. Tous les matins, Renaud rajoute un peu de liquide de frein dans le compartiment dédié et on roule sans problème mais on est d’accord que ce n’est pas viable à long terme. Une fois sur cales les mécanos constatent qu’effectivement, le « slave cylender » est fendu et du liquide s’échappe à chaque fois que Renaud appuie sur la pédale. Avant de tout remplacer, nous tentons une réparation du boitier, on verra à l’usage si ça tient ! Nous leur demandons aussi de regarder s’ils peuvent nous trouver des silentblocs des triangles de direction car ceux que nous avions fait à Richard’s Bay n’ont pas tenu. Mais les silent bloc attendrons notre retour en ville la semaine prochaine car dans l’intervalle nous allons passer quelques jours dans un parc : le Kgalagadi Transfrontier Park, situé dans le vaste désert du Kalahari et dont plusieurs voyageurs et sud-africains nous ont parlé comme étant le royaume des félins. On espère ne pas être déçus car on fait quand même 500km aller/retour entre Upington et l’entrée du parc ! Mais ça fait un moment que nous l’avons dans notre viseur ce parc : situé à la frontière entre la Namibie, le Botswana et l’Afrique du sud, nous avions envisager d’y aller par la Namibie en mai dernier, mais la frontière sud-africaine à cet endroit est fermée depuis mars 2020. Côté Botswanais, nous nous étions renseignés mais il fallait un 4x4 pour rejoindre les pistes principales du parc. Y entrer par le sud est donc notre dernière chance alors on n’hésite pas trop malgré les kilomètres ! La configuration du parc est différente de ceux qu’on a pu visiter jusqu’à présent. Il n’y a que 2 routes praticables pour nous, quelques autres accessibles en 4x4 uniquement sur réservation, et enfin certaines accessibles uniquement aux clients de lodges reculés. Et à peine passée la gate je suis sur le point de regretter d’être là lorsque je réalise que nous allons manger des kilomètres et des kilomètres de tôle ondulée… c’est épuisant et stressant ! Nos 6 journées dans le parc se sont décomposées de la façon suivante : 3 journées de route entre 6h et 15h (le 1er jour pour rejoindre le camp de Mata Mata, le 3ème pour rejoindre le second camp à Nossob et le dernier pour sortir du parc), et 3 journées où nous sommes sortis tôt le matin et en fin de journée, passant les heures les plus chaudes dans la piscine des campsites. La chaleur est torride ici, nous avons eu jusqu’à 44° à l’intérieur du camping-car ! A cette température, les plastiques du camping-car sont brulants, et l’air chaud quand on roule assèche nos yeux et notre nez. Je ne vais pas vous raconter heures par heures ce que nous avons vu, je préfère m’attarder sur les belles rencontres, car autant vous le dire tout de suite, nous n’avons pas été déçus ! Ici il n’y a pas d’éléphants, de buffles, de rhinos ni même de zèbres, mais nous avons vu énormément d’autruches, de chacals, de secrétaires, d’aigles et de faucons, des oryx, des gnous et des springboks.
Mais nos attentes ici portaient surtout sur les félins, et voilà ce que ça a donné :
J1 : Nous apercevons aux jumelles 2 guépards un peu loin avec leur proie fraîchement tuée. C’est un début, mais on espère faire mieux demain !
J2 : Devant un point d’eau, Renaud et moi hésitons à prendre le petit-déjeuner ici ou au suivant. Finalement Renaud gagne et il redémarre mais au moment de rejoindre la piste principale nous tombons nez-à-nez avec une lionne qui arrive en sens inverse pour venir s’abreuver ! On reste une bonne trentaine de minutes à l’observer. Après avoir étanché sa soif, elle passe juste devant nous et grimpe sur un tronc d’arbre couché. Elle est à moins de 3 mètres, la lumière est magnifique, nous sommes seuls avec elle… c’est magique ! Elle quitte son arbre et commence à s’enfoncer dans le bush lorsque d’autres voitures arrivent. On a eu notre moment privilégié, nous sommes aux anges ! En fin de journée, on aperçoit à nouveau 2 guépards aux jumelles, ça reste trop loin pour nous satisfaire vraiment.
J3 matin : Une voiture est arrêtée juste devant nous. On ralentit, et on aperçoit juste devant 4 guépards en train de marcher sur la route ! Enfin nos premiers « vrais » guépards !! Les enfants qui étaient encore au lit sortent précipitamment et on passe quelques minutes à les suivre lentement, gardant une distance d’une quarantaine de mètres pour ne pas les effrayer. Ils poursuivent leur route et finissent par s’enfoncer dans le bush. Quelques secondes plus tard, on n’aperçoit plus que leurs petites têtes avant qu’elles ne disparaissent complètement.
J3 matin : L’une des plus belles rencontres de cette semaine : une lionne et son nouveau-né à côté d’un oryx fraichement tué. Il y a déjà quelques voitures lorsque nous arrivons, et nous nous approchons sans savoir ce qu’il y a. Nous voyons d’abord la lionne, et c’est Eliott qui aperçoit en premier le bébé. Il n’est vraiment pas vieux ! Pendant les 3 heures que nous restons à leurs côtés, la mère fait quelques aller-retours au point d’eau situé quelques mètres plus loin. Le petit peine à se lever, il est vraiment pataud et on n’arrête pas de s’exclamer « il est trop mignon » ! A plusieurs reprises la lionne nous frôle, ne semblant pas du tout gênée par notre présence. Wouaouh !!
J4 matin : Devant un point d’eau, on s’arrête à peine pour photographier quelques oiseaux, on a prévu d’aller petit-déjeuner au point d’eau suivant. Mais alors qu’on repart, Renaud aperçoit un lion qui arrive en sens opposé dans le lit de la rivière (asséchée). Il va surement boire ! Impossible de faire demi-tour ici, c’est donc en marche arrière que nous faisons les 500m nous séparant du point d’eau. Et là on assiste à une scène incroyable : le lion passe juste derrière nous et se pose, à l’affut, à côté d’une voiture garée près du point d’eau. Puis il bondit pour essayer d’attraper l’un des deux gnous qui étaient en train de boire ! Malheureusement pour nous, il n’y a pas mis assez de vigueur et les gnous s’échappent. On reste une bonne heure à l’observer boire puis se reposer à l’ombre puis revenir boire et se reposer à nouveau. C’est quand même pas violent le rythme d’un lion en journée !
J4 soir : Renaud s’arrête car il a vu quelque chose de petit, mais n’a pas eu le temps de voir car l’animal s’est caché dans les buissons. On le cherche en vain, on examine ses empreintes dans le sable, c’est petit effectivement… peut-être un chacal ? On commence à avancer lorsque mon œil accroche un mouvement de queue qui n’est pas celui d’un chacal… c’est un petit félin ! Et finalement entre les broussailles on finit par le débusquer : c’est un bébé léopard ! Mais que fait-il là tout seul ? On s’installe en face de lui en espérant que sa mère le rejoigne. Nous restons un peu plus de 2h, une voiture à qui nous avons expliqué la situation nous a rejoint. Le léopard bouge peu : il se plaque bien au sol comme si sa mère lui avait dit de se cacher. Parfois il lève la tête pour nous observer, il est à peine à 5 mètres de nous. Puis arrive l’heure de partir pour arriver à l’heure avant la fermeture des portes. Alors qu’on se porte à la hauteur de l’autre voiture pour discuter un peu, Renaud aperçoit du mouvement : le petit se lève et bouge ! C’est le branle-bas de combat, on n’est pas prêts du coup vu qu’on allait partir ! Tout se passe alors très vite : le bébé traverse la route juste derrière nous, nous ouvrons la fenêtre des toilettes pour mieux le voir (c’est là qu’on apprécie d’avoir des ouvertures de tous les côtés !). Au milieu de la route, il se met à miauler et c’est alors que je repère sa mère en contrebas. En quelques secondes, il la rejoint et elle se couche pour le faire téter. On ne voit plus que la tête de la mère qui émerge du bush. Nous sommes à la fois heureux et en même temps un peu frustrés de ne pas pouvoir rester davantage pour mieux voir la mère. On rentre à fond les ballons, on surfe sur la tôle ondulée et on arrive 2 minutes avant la fermeture de la porte. Quelle chouette journée encore !
J5 matin : nous franchissons la gate à 6h05. Une dame nous tient le portail (il faut à chaque fois ouvrir/fermer une grille pour éviter que les animaux sauvages ne pénètrent dans l’enceinte du camping) et nous informe qu’on devrait voir une lionne et ses trois petits traverser devant nous, elle vient de quitter le point d’eau en face du camping. Et effectivement, quelques mètres plus loin la voilà. Les enfants qui dormaient encore (on part sans les réveiller et on les appelle lorsqu’on voit quelque chose d’intéressant) se réveillent d’un bond et nous rejoignent devant, en slip et les yeux collés. Nous sommes aux premières loges, sans voiture devant c’est le top ! Le petit groupe marche un moment sur la piste, puis ils traversent pour s’enfoncer dans le bush. Décidemment, la journée commence bien !
Nous nous posons ensuite sur le point d’eau de Kaspersdrai, où nos voisins de camping ont aperçu 3 lions hier. Lorsque nous arrivons à 7h, le point d’eau est vide, il n’y a aucune voiture. On hésite mais on fait le pari de rester et de prendre le petit déjeuner ici. Au bout d’une heure, toujours rien… la chance nous aurait-elle quitté ? Enfin techniquement il n’y a pas rien puisqu’il y a une dizaine de chacals qui s’amusent devant nous. Mais des chacals on en voit tellement dans ce parc que ça ne compte presque plus 😉 Puis alors que nous sommes en train de discuter si l’on reste ou non, Renaud aperçoit une lionne qui se rapproche du point d’eau. Nous sommes toujours seuls, les quelques voitures qui se sont approchées sont reparties ne voyant aucun animal aux alentours. Nous observons la lionne boire près de nous et alors qu’elle va se coucher à l’ombre d’un arbre, une autre arrive ! Puis, espacés à chaque fois d’une vingtaine de minutes, 3 jeunes mâles, puis un 4ème ! C’est incroyable, vers 10h ils sont désormais 6 lions allongés à l’ombre de l’arbre. Nous n’en revenons pas de notre chance. J’aimerais qu’ils se lèvent tous et qu’ils bougent en même temps, mais ils se déplacent seuls ou par petits groupes. On ne peut pas tout avoir ! Finalement nous quittons nos lions vers 11h15, la chaleur infernale nous poussant à rentrer nous abriter. Quel spectacle ! Le game drive du soir est plus calme, nous voyons de beaux oiseaux au point d’eau où nous avons choisi de nous arrêter, mais pas de félins cette fois. Nous suivons un moment une hyène brune sur le trajet du retour au camp.
J6 matin : c’est notre dernier jour dans le parc, nous avons 160km à faire pour rejoindre la sortie. Nous tentons notre chance au petit matin au point d’eau qui nous avait tant porté chance la veille mais faisons chou blanc : notre petit-déjeuner est désespérément calme. On repart en prévoyant de faire une halte à chacun des points d’eau (tous les 12/13km environ) sur le trajet. IL faut au moins ça pour supporter la tôle ondulée infernale. C’est beau à regarder ces ondulations du sable sous les roues des véhicules, on dirait de la chantilly ou une glace Vienetta. Mais à conduire avec notre véhicule, c’est vraiment l’enfer et on apprécie de faire des pauses fréquemment. La pause suivante est d’ailleurs fructueuse : un lion est couché à l’ombre d’un arbre, très accessible ! Mais lorsqu’on s’approche on remarque qu’il est extrêmement maigre : il n’a que la peau sur les os, ses hanches et ses côtes sont saillantes. Il doit être vieux et mourant, sans force pour se nourrir, il a même du mal à se tourner. C’est un triste spectacle, et nous ne restons pas très longtemps. Mais on en profite néanmoins pour l’observer de très près, ce n’est pas si fréquent qu’on puise admirer les énormes pattes d’un lion ou encore sa belle crinière noire. Un peu plus loin, à un autre point d’eau, un autre lion est allongé, un peu plus loin cette fois.
J6 soir : vers 16h, nous arrivons à Twee Rivieren, la porte d’entrée (ou plutôt de sortie pour nous) du parc. Mais nous ne sortons pas encore ! Nous allons en mode pirate piquer une tête dans la piscine du camping, normalement réservée aux personnes ayant une réservation. Mais il fait vraiment chaud et il n’y a personne donc nous pouvons nous rafraichir ni vus ni connus ! Puis nous revenons un peu en arrière et décidons de patienter jusqu’à la fermeture du parc au dernier point d’eau à 6km de là. Pendant 2 heures il ne se passe rien, et je dois vous avouer que je ne suis pas du tout concentrée sur les animaux : après 6 jours de déconnexion totale, je capte à nouveau sur mon mobile et la junkie que je suis se gave de notifications, messages et autres stories en retard. Jusqu’à ce qu’un cri de Renaud me fasse lever la tête de mon téléphone : « là, un guépard ! ». Un magnifique guépard est en train de s’approcher à pas chaloupés, nous avons une position idéale pour l’admirer lorsqu’il arrive au point d’eau. Puis on entend Eliott s’exclamer : « un autre guépard ! », suivi de « et un 3ème qui arrive ! ». L’excitation est totale, on navigue entre les fenêtres latérales et la fenêtre des toilettes pour ne rien rater du spectacle (à noter qu’on rentre donc 5 dans notre salle de bains quand il le faut !!). Qu’ils sont beaux, gracieux et raffinés, très différents des lions massifs et puissants. Ils semblent très nerveux, sur le qui-vive, à regarder sans cesse à droite et à gauche. On compte les minutes nous permettant de profiter un maximum du spectacle sous nos yeux et finalement, à 19h22 on démarre en trombe pour arriver à 19h30 à la gate, encore sous le coup de l’émotion.
Quel parc incroyable les amis ! Que de rencontres magnifiques nous avons faites, et souvent de très près ! A ceux qui nous demandent si l’on recommande ce parc, je dis oui mais sous certaines conditions. Par exemple, je ne le conseillerais pas pour des « débutants » faisant leurs premiers pas en safaris. Mieux vaut miser alors sur un parc plus gratifiant en termes de diversité et de nombre d’animaux. On a trouvé qu’ici il fallait beaucoup de patience et vraiment « parier » sur des endroits où attendre les animaux, sachant que c’est quitte ou double et qu’on peut avoir « raté » le léopard qui était au point d’eau suivant. Certes on a parfois eu la chance de voir des félins au bord de la piste, mais ces rencontres ont été plus rapides, les animaux étant en mouvement. Mais lorsqu’ils viennent sur les points d’eau, c’est vraiment là qu’on peut prendre le temps de les observer et qu’ils se rapprochent eux-mêmes parfois.
Bref, nous ne regrettons pas une seule seconde d’avoir avalé tous ces kilomètres pour rejoindre le Kgalagadi Transfrontier Park. On pourrait croire qu’on se lasse de passer des heures à attendre des animaux, mais pas du tout : nous étions tous les 5 excités comme les premiers jours ! C’est probablement l’un de nos parcs préférés à ce jour.
Ce matin (mercredi 17 novembre), après avoir dormi à la sortie du parc, nous avons rejoint la ville d’Upington à 250km du parc. Plus précisément nous avons rejoint le garage dans lequel nous nous étions arrêtés la semaine dernière. La réparation effectuée sur le système hydraulique de la pédale d’embrayage n’a pas tenu et nous avons dû rajouter du liquide à plusieurs reprises. RDV pris demain pour regarder ça ! En attendant, on va se reposer car cette semaine était passionnante mais crevante avec tous ces réveils à 5h30, la chaleur, la poussière, l’excitation et la fatigue liée aux conditions de route. Demain, on vise la grasse mat’ !