Joburg Express
Lorsque nous quittons nos amis les Mollalpagas dimanche 24 octobre, nous nous lançons dans 2 journées de route pour rejoindre Johannesburg, la si controversée mégalopole d’Afrique du sud (J’ai failli écrire capitale de l’Afrique du sud mais non, c’est Pretoria la capitale administrative !). Controversée car la plupart des personnes qui nous en ont parlé, qu’ils soient voyageurs ou locaux, nous ont déconseillé d’y aller : trop grand, trop d’insécurité, pas grand-intérêt. Grand oui, insécurité surement, mais sans intérêt j’en doute : il y a plein de musées et certainement des quartiers sympas. Mais le principal musée que nous voulions visiter, le musée de l’Apartheid, est fermé depuis le Covid. C’est une grosse déception. Si la visite de la ville ne nous tente pas plus que ça, nous aimerions quand même jeter un œil à Soweto, ce quartier historique qui a joué un rôle important dans l’histoire du pays. Donc c’est décidé : on passera en coup de vent à Jo’burg. La route pour y aller depuis la région du Blyde River Canyon n’est pas incroyable, d’autant qu’il fait à nouveau très gris. Le soir nous sommes à 150km de la ville, nous décidons de nous arrêter pour la nuit, un poste de police fera bien l’affaire. Nous expliquons notre requête, le type au guichet valide avec son supérieur et nous avons l’autorisation de nous garer sur le parking des visiteurs pour la nuit. Oui mais voilà, à 21h alors qu’il fait nuit depuis 2 bonnes heures, que les enfants sont endormis et que nous venons de monter dans notre capucine (en slip, donc), des hommes frappent lourdement à la porte. Le temps que Renaud descende et passe un short ils s’impatientent et commencent à secouer le véhicule. Hola, on se calme les gars ! Ce sont des policiers de l’équipe de nuit, qui eux ne sont absolument pas d’accord pour qu’on reste. Nous sommes vraiment surpris car c’est la première fois qu’on se fait mettre dehors comme des malpropres par des policiers ! La nana qui a l’air d’être la chef ne veut rien entendre et nous traite avec le plus grand mépris en mode « si vous vouliez rejoindre Jo’burg fallait mieux vous organiser et partir plus tôt ». Non, elle préfère qu’on aille se garer en face sur un terreplein où l’on distingue des SDF qui dorment à même le sol. C’est sûr que ça doit être mieux là ! Bref, légèrement remontés nous plions bagage et demandons « l’asile » à la première station-service. C’est éclairé, il y a des gardes H24 ça ferait parfaitement l’affaire, de toute façon on ne cherchait pas un bivouac de rêve pour cette étape de transition.
Le lendemain, nous nous enfonçons dans cette ville de presque 6 millions d’habitants. Enfin non, pas vraiment finalement. Comme nous avons décidé de ne visiter « que » le quartier de Soweto (South Western Towship) qui, comme son nom l’indique est situé au sud-ouest de la ville, nous n’entrons pas dans le centre de Jo’burg et restons à la périphérie. Nous en profitons pour faire 2 arrêts techniques : le premier pour remplir l’une de nos bouteilles de gaz, le second, attendu depuis longtemps, à Décathlon ! Enfin, les enfants vont pouvoir avoir de bonnes chaussures de marche à leur taille. Si l’on trouve facilement des baskets dans les pays que nous avons traversé, elles ne sont pas terribles pour randonner et surtout ne tiennent pas longtemps. Nous repartons avec 3 paires plus quelques autres articles. Ça fait du bien de retrouver quelques repères 😉
Nous arrivons dans le quartier de Soweto en milieu d’après-midi. Nous le reconnaissons grâce aux 2 tours décorées aux couleurs d’une marque de bière. Mais alors qu’on suit l’itinéraire proposé par notre GPS pour nous rendre à la guesthouse, nous sommes surpris de voir un boulevard jonché de pavés/pierres sur la chaussée. Au premier coup d’œil on pense qu’ils font des travaux. Mais la disposition des pavés et surtout les traces de pneus brulés nous indique plutôt qu’il y a eu un rassemblement un peu musclé récemment. On tente de tourner à gauche mais la rue est déserte et à nouveau jonchée de pavés. On ne le sent pas… les 2 suivantes non plus, d’ailleurs le minibus juste devant nous, semble lui aussi chercher un chemin sécurisé. Je vous avoue que nous ne sommes pas à 100% rassurés, mais à part les pierres sur la route on ne voit rien de particulier et on se raisonne en se disant que s’il y avait le moindre risque, la guesthouse où nous avons réservé nous aurait prévenus. Finalement, en faisant un grand détour nous arrivons à bon port et la personne à l’accueil nous informe que des manifestations ont effectivement lieu de façon sporadique (mais énergique !) depuis 2 semaines, les habitants du township étant excédés par les coupures d’électricité récurrentes depuis plusieurs mois. Bref, nous galérons un peu pour nous garer sur un petit morceau de terrain en pente mais sommes finalement installés vers 17h30, juste à temps pour prendre une photo du paysage et nous abriter de la pluie battante qui s’abat sur nous.
Tellement perplexe je n'ai même pas pris de photo, en voici une piquée dans un article du Monde. Et c'est bien ce qu'on a vu sur place !
Le lendemain, nous prenons un Uber pour rejoindre le point de départ de notre visite guidée du quartier. Il y a 15 ans, il aurait été impensable de se balader dans Soweto où la criminalité faisait rage. Aujourd’hui le quartier est en cours de réhabilitation, une classe moyenne côtoyant des bidonvilles, et c’est possible de le visiter seuls mais pour une fois nous avons souhaité passer par un guide pour mieux comprendre l’histoire complexe de ce quartier. Lebo, notre jeune guide, nous explique donc la naissance du quartier, le déplacement des populations noires au début des années 50, les logements de tôle et de toile, les maisons « boîte d’allumettes » construites à la chaîne pour essayer de suivre l’accroissement démographique du quartier, la « boboisation » de quelque rues du quartier ces derniers années, l’agrandissement du stade de foot pour la coupe du monde de 2010 (« ah non, on ne joue pas au rugby dans ce stade, le rugby c’est un sport de blancs ! »). Et surtout il nous parle longuement du rôle du quartier dans la lutte contre l’apartheid (lui étant né en 1995 se définit comme « born-free », c’est-à-dire « né en liberté ») : nous passons, dans la même rue, devant la maison de 2 lauréats du prix Nobel de la Paix : Nelson Mandela et Desmond Tutu. Nous nous arrêtons également devant la maison de Winnie Mandela, la 1ère épouse de Mandela dont Lebo a tenu à souligner la force et le courage en tant que femme de l’ombre. Et nous empruntons le chemin qu’ont pris les étudiants lors des manifestations de 1976 contre une loi rendant obligatoire l’enseignement de la langue Afrikaans. Ces émeutes et grèves étudiantes ont duré 2 ans, cristallisant la frustration et le ras-le bol d’une jeunesse sacrifiée et plusieurs dizaines d’entre eux sont morts sous les balles des policiers. C’est vraiment intéressant ! Tout au long des 3 heures que durent la visite, nous sommes salués chaleureusement par les nombreuses personnes que nous croisons dans la rue « bienvenue à Soweto ! » nous disent-ils. Pour le déjeuner, Lebo nous emmène déguster un sandwich typiquement local : un kota. Un bloc de pain (type pain de mie non tranché) creusé dans lequel on trouve des frites, du fromage, du steak haché, une saucisse et des sauces. Je vous confirme qu’on n’en a mangé qu’un seul par personne !! Nous poursuivons ensuite sans Lebo et visitons l’émouvant musée Hector Pieterson. Hector était un jeune de 13 ans qui accompagnait sa sœur étudiante lors de la manifestation du 16 juin 1976 et qui a été tué par un policier. Un photographe couvrant l’événement a pris un cliché d’Hector ensanglanté porté par un autre écolier qui a été repris par de nombreux médias, érigeant le jeune garçon en symbole de la répression à l’encontre des noirs. Le musée est très bien documenté sur les événements et particulièrement émouvant puisque l’histoire est vraiment incarnée. Bref, nous avons passé une très bonne journée ! Pour autant, je ne sais pas comment l’écrire, mais ce n’est pas vraiment ce à quoi je m’attendais. J’ai peut-être trouvé ça un peu trop « propre » ? Enfin au sens figuré car ça faisait longtemps qu'on n'avait pas vu des rues aussi sales et jonchées de déchets ! Un circuit trop bien huilé ? Mais en même temps je ne venais pas (et je n’aurais pas voulu !) visiter un bidonville avec ma pitié sous le bras. Je ne sais pas… j’ai aimé cette journée, j’ai aimé discuter avec notre guide, mais je crois que j’aurais aimé un peu plus… rencontrer d’autres personnes (nous étions vraiment isolé sur le campsite à l’écart de la guesthouse ) ? Rester plus longtemps ? Je repars avec un léger gout d’inachevé.
Mercredi 27 octobre : il est temps de dire au-revoir à Marion, la sœur de Renaud qui poursuit sa découverte de l’Afrique du sud sans nous : un Uber vient la prendre devant notre campsite et elle prend un bus pour Durban d’où elle a loué un véhicule pour rejoindre Cape Town. Joli périple miss baroudeuse ! Quant à nous, nous prenons la route pour rejoindre un musée que j’ai repéré et que j’ai très envie de visiter : Craddle of the Humankind, le berceau de l’humanité : un musée et un site de fouilles archéologiques sur la période de la préhistoire. Malheureusement, une fois sur place (au bout d’1h30 de route quand même), nous réalisons qu’à cause des restrictions Covid le site n’ouvre que les vendredi, samedi et dimanche. Zut alors, ça commence à mon gonfler ces règles qui n’ont pas vraiment de sens ! Allez, on change de direction et on file plein nord !