Untouracinq en terre Himba
Quelle semaine mes amis, quelle semaine ! Nous espérions rencontrer quelques Himbas en montant tout au nord du pays, et nous n’avons pas été déçus ! Suivez-moi, je vous raconte tout ça dans l’ordre. Mercredi 24 mars, nous quittons le camp Oppi-Koppi, à Kamanjab où nous avons passé 3 jours pour nous requinquer après le parc Etosha. Nous prenons la belle route goudronnée en direction d’Opuwo, principale ville de la région du Kaokoveld, territoire ancestral des Himbas. Cette ethnie représente aujourd’hui 7% de la population de Namibie et à l’inverse des San qui ont plus ou moins été assimilés (le village dans lequel nous avons passé 2 jours étant une reconstitution historique), les Himbas ont conservé un mode de vie très traditionnel : essentiellement éleveurs, les femmes sont magnifiques, portant de nombreux bijoux dans le cou, aux poignets et sur les chevilles, et parées de coiffures incroyables : elles s’enduisent le corps et les cheveux d’un mélange de terre ocre et degraisse en faisant des nattes façon « dreadlocks ». Après notre rencontre avec les Hamers en Ethiopie, et les Massaï au Kenya, nous avons à nouveau l’opportunité de vivre une expérience unique en approchant un peuple aux traditions bien ancrées. Mais avant d’arriver à Opuwo, des nuages bien gris s’amoncellent droit devant nous, et on décide de s’arrêter et de bivouaquer dans le bush pour ne pas se prendre l’orage en roulant. 2 minutes après avoir trouvé une place et éteint le moteur, c’est le déluge. La terre autour de nous se transforme en glaise, on se demande bien comment on va sortir de là demain ! Mais à chaque jour sa solution, on ne peut rien y faire pour ce soir donc on n’y pense pas. Alors que nous sommes en train de regarder un film sur l’ordi, un jeune passe sa tête par la baie vitrée, son âne derrière lui. Il n’est pas facile à comprendre car il ne parle que quelques mots d’anglais mélangés à du Herrero, la langue locale, mais on comprend qu’il habite un peu plus loin et qu’il nous propose de nous déplacer chez lui. En temps normal nous aurions accepté, mais vu le terrain on préfère s’abstenir. Il nous demande à manger, Renaud lui donne 2 pommes et pour nous remercier il nous propose alors de nous amener du lait frais. Je lui laisse une bouteille vide pour qu’il la remplisse et il revient quelques minutes plus tard mais pas avec du lait finalement, mais du Omahere, une boisson à base de lait fermenté comme on a pu en boire pas mal au Moyen-Orient et en Asie Centrale. Les enfants ayant eu un petit appétit ce soir, il nous reste une bonne portion de spaghettis bolognaise, nous lui proposons de diner avec nous. Nous parlons peu, mais il semble content de regarder Superman avec nous. En revanche je ne suis pas certaine qu’il ait vraiment apprécié le diner, il nous a fait comprendre que c’était un repas « de blanc » dont il n’avait pas l’habitude !
Le lendemain, le sol a quasiment bu toute l’eau de la veille et nous repartons sans encombre. Nous ne nous attardons pas à Opuwo qui ne nous inspire pas vraiment : alors que nous nous arrêtons pour nous ravitailler, nous sommes assaillis de mendiants, de femmes et d’enfants cherchant à nous vendre des breloques ou nous demandant des bonbons. Mais quelle impression étrange quand je rentre dans le supermarché et qu’en choisissant mes pommes de terre je tombe nez à nez avec une dame pieds nue vêtue d’un simple pagne autour de la taille. Je réalise alors qu’elles sont plusieurs ainsi à faire leurs courses en tenue traditionnelle… c’est un peu le choc des cultures ! Après un déjeuner à la sortie de la ville, nous entamons la longue piste de 180km pour rejoindre les chutes d’Epupa, complètement au nord du pays. Nous apercevons quelques huttes en terre le long de la route, parfois quelques Himbas avec leur coiffure incroyable. Mais les pluies de la veille ont gorgé d’eau les ruisseaux de la région, et certains sont passés par-dessus la route. Nous nous arrêtons devant un passage inondé : plusieurs 4x4 sont arrêtés de chaque côté, attendant que le niveau de l’eau diminue pour pouvoir passer. Il est déjà 17h30, on le sent moyen de notre côté car on devine des trous dans la chaussée (il y a une dalle en béton pour faciliter les passages de gué) mais on a du mal à mesurer la profondeur. Soit, notre route va s’arrêter là ce soir ! Nous avons alors 2 options : soit faire demi-tour et nous trouver un coin isolé dans la nature, soit rester sur place, il y a un petit village Himba juste à côté. Nous optons pour la seconde solution, Renaud demande à 2 ou 3 personnes si ça ne pose pas de problème, et nous nous posons un peu en retrait du village, tout en étant bien en vue. Si proche d’Opuwo, nous constatons qu’une majorité des villageois sont en tenue « moderne », mais il y a également plusieurs personnes en tenue traditionnelle. Quelques gamins et adultes s’approchent, mais pas de bol le seul qui baragouine quelques mots d’anglais est saoul et ne nous lâche pas pour nous demander de l’argent. Il nous a dit son nom mais nous ne l’avons pas retenu, je vais donc le prénommer « le boulet » pour la compréhension de mon récit 😉. Nous organisons une session dessins avec quelques enfants qui se prennent au jeu, et mêmes une poignée d’ados qui les rejoignent. Parmi eux, une jeune femme Himba avec ses grosses tresses, j’essaie de ne pas trop la fixer mais j’exulte en silence ! A un moment, l’une des jeunes filles semble vouloir me dire quelque chose, elle a l’air gênée, me montre l’intérieur du camping-car. Mais je ne comprends rien, jusqu’à ce que j’aperçoive un pompon dans le couloir… les andouilles de garçons ont balancé son bonnet chez nous et elle n’osait pas le récupérer ! Gros fou-rire quand je lui rends, et voici comment Natasha, avec son pyjama licorne et devenue mon amie 😉 Elle nous rend d’ailleurs un grand-service lorsque le boulet se remet à nous harceler pour qu’on lui donne de l’argent. Elle lui tient tête en prenant notre défense (« pay for what ? » est la seule chose que nous comprenons) , bientôt rejointe par les garçons qui essaient de le reconduire au village. Sans succès vu qu’il revient quelques minutes plus tard, mais l’intention était sympa ! A la tombée de la nuit, les gamins commencent à rentrer chez eux et nous remballons nos affaires. Le boulet nous propose de nous faire visiter le village, ce qu’on accepte même si son plan est aussi évident qu’un nez au milieu de la figure : il s’attend à ce qu’on lui paie une bière, à défaut de lui donner de l’argent ! Et comme on le pressentait la visite s’arrête à la première guérite qui s’avère être le bar du village. Mais après tout, c’est l’heure de l’apéro et la journée a été longue donc pourquoi pas ? Nous nous mêlons aux villageois, bien équipés avec nos bouteilles de 0,75l de bière, le plus petit format vendu ici. Comme souvent en Afrique, l’alcool semble être très présent ici, plusieurs hommes sont bien entamés. Mais cela ne nous inquiète pas car vivant suivant le rythme du soleil (eux, hein, pas nous !), ils se couchent relativement tôt. Lorsqu’ils commencent à sortir un alcool fort dans une bouteille en plastique, je laisse Renaud dans cette ambiance alcoolisée et masculine pour m’occuper du repas et de mes loulous : pendant que nous étions au bar, Martin jouait avec des gamins à faire rouler un pneu, et les grands lisaient à la maison. Renaud nous rejoint peu de temps après et nous passons une nuit très tranquille.
Le lendemain matin, nous sommes à nouveau entourés de gamins. Situation jamais très confortable lorsque nous préparons notre petit-déjeuner qu’il nous est impossible de partager avec une dizaine de gosses (qui en appelleraient une dizaine d’autres !). Nous leur donnons ce que nous pouvons et pour faire diversion nous installons l’ordi pour leur passer quelques Tom et Jerry qu’ils ont l’air d’apprécier, tout comme nos enfants qui les rejoignent rapidement 😉
Nous décollons en fin de matinée, l’eau ayant repris son niveau normal. Mais la route est épuisante pour nous : beaucoup de tôle ondulée, ces vaguelettes sur le sol sur lesquelles Pépère rebondit avec des vibrations impressionnantes et un bruit d’enfer : on ne s’entend plus parler, on voit nos meubles bouger et on a l’impression que la cellule va se disloquer. C’est physiquement et psychologiquement très fatigant, et je ne vous parle même pas de la poussière qui recouvre rapidement tout notre intérieur d’une fine pellicule blanche… La pause déjeuner est donc particulièrement bienvenue ! Nous nous arrêtons à l’écart de la route, sans avoir remarqué les quelques huttes un peu plus loin, cachées dans les buissons. 2 jeunes femmes Himba magnifiques nous rejoignent rapidement, suivies d’une poignée de gamins. En me voyant préparer le déjeuner, elles nous disent qu’elles ont faim. Mais d’autres femmes sont arrivées entre-temps, la poêlée de légumes que j’étais en train de préparer ne sera pas suffisante. Hum hum… je change mon idée de repas et je prépare une grande salade avec du chou rouge, des oignons, des carottes râpées, et du maïs en boite, agrémentée de graines de courges et de tournesol. Je sers chacun d’entre nous dans nos bols et leur tends le saladier avec la salade restante. Nous avons installé le tapis, c’est maintenant une quinzaine de personnes qui sont à nos côtés et qui prennent des poignées de salade avec les doigts dans une ambiance joyeuse. C’est marrant de les voir : visiblement elles n’ont pas l’habitude de manger du chou rouge qu’elles regardent d’un air circonspect, et ont une nette préférence pour les maïs ! Les graines les intriguent également : on doit leur montrer des photos pour expliquer ce que c’est, et je vois la plus vielle les mettre dans sa poche. J’ai beau lui dire qu’elles sont préparées pour être mangées, elle me fait signe qu’elle va quand même essayer de les planter… on ne sait jamais ! Comme nous avons du temps (après tout, nous sommes venus dans cette région exactement pour pouvoir vivre ce genre de moments !), nous installons l’ordi pour une petite séance ciné. Nous leur passons le documentaire « bébés », sans paroles, qui suit la naissance et la croissance d’enfants dans plusieurs pays, dont un bébé Himba justement ! Ça leur plait beaucoup, tellement même que c’est un peu la bagarre à qui sera le plus près de l’écran. C’est difficile de savoir ce qu’elles pensent quand elles voient les différences entre les modes d’éducation Himba, mongols, japonais ou américains ! De notre côté, nous vivons intensément l’instant présent, et malgré mon envie, je ne prends aucune photo de peur de compromettre l’authenticité du moment. A Opuwo quelques femmes nous ont proposés de les prendre en photo moyennant finance, je ne voudrais pas qu’on tombe dans cette situation. Jusqu’à ce que l’une des femmes me demande de la prendre en photo avec Louise. Voilà ma chance ! Car nous voyageons avec une petite imprimante photo, que nous sortons parfois pour laisser un souvenir aux gens chez qui nous passons. En Mongolie, nous avions pu prendre de belles photos de familles, les gens se mettant sur leur 31 avant de nous demander de les photographier. Et c’est exactement ce qui se produit ici : ce sont les femmes qui nous demandent de les photographier, avec leurs enfants, ou entre copines, rajustant leur tenue et leur coiffure avant de passer devant l’objectif. Alors ça donne des photos un peu rigide et posées, mais peu importe, on se régale de pouvoir leur faire plaisir tout en glanant quelques précieux souvenirs photographiques. Ah quel beau moment !
Après plusieurs heures passées avec elles, nous les quittons pour poursuivre notre route : ce soir nous allons essayer de rejoindre une famille voyageuse avec laquelle nous sommes en contact et qui déjà à Epupa. Nous arrivons en toute fin de journée, fourbus à notre destination. Malheureusement, ils ont choisi un campsite peu accessible pour nous ; vu les grincements inquiétants que nous entendons sur Pépère, on ne souhaite pas prendre la piste. On discute 30 minutes avec eux puis chacun part de son côté, on se donne RDV demain pour passer l’après-midi ensemble. Nous trouvons un très joli spot pour bivouaquer derrière une colline, tout proche de la rivière Kunene qui constitue la frontière entre la Namibie et l’Angola. Ah… l’Angola, l’un des (nombreux) pays que je rêve de visiter mais qui est complètement fermé depuis 1 an, ça parait compromis…
Le lendemain, après une bonne session d’école nous nous rendons au point de vue sur les chutes d’Epupa, qui sont l’attraction locale. Bon je ne vous cache pas que je suis un peu déçue par les chutes, avec les pluies de ces dernières semaines je m’attendais à un débit plus impressionnant. Là l’eau marron du fleuve s’écoule dans quelques canyons sans que ce soit vraiment transcendant. Le paysage autour, en revanche, est magnifique : les baobabs accrochés à la rive du fleuve, les collines rouges et ocres, les buissons verts, la piste blanche au milieu… On avise une jolie plage en contrebas à la fin du canyon, qui me donne bien envie d’aller y pique-niquer. Mais nous ne sommes pas équipés aujourd’hui, ce sera pour demain ! Nous revenons au village et rejoignons à pied le campement de nos amis pour y passer l’après-midi. Dorothée, Pierre-Yves et leurs 2 enfants ont comme nous pas mal de voyages à leur actif mais un peu plus sportifs que les nôtres car ils font souvent des treks de plusieurs jours. Nous nous séparons en fin de journée, ils poursuivent leur route car ils n’ont loué un véhicule « que » pour 1 mois en Namibie. Nous changeons de point de bivouac et nous installons tout proche des chutes, beaucoup plus près du village. On s’attend à se faire déloger car nous sommes juste à côté d’un campsite, mais personne ne nous dit quoi que ce soit, tant mieux car la vue est vraiment magnifique !
Dimanche 28 mars, nous préparons un sac de pique-nique et faisons la courte randonnée (45mn) pour rejoindre la plage repérée la veille. On fait attention quand même avant de nous poser car la rivière est connue pour abriter des crocodiles et la baignade est déconseillée. C’est dommage car il fait très chaud et ça nous aurait bien rafraichit ! Il fait 39° dans le camping-car quand nous le réintégrons … il faut qu’on se réhabitue aux grosses chaleurs qu’on n’a plus eu depuis plusieurs semaines. Nous reprenons ensuite tranquillement la route pour revenir sur Opuwo, la même qui nous a tant fait souffrir à l’aller. Mais cette fois, n’ayant aucun impératif, nous allons prendre notre temps et couper le trajet en tronçons avec de grosses pauses pour récupérer. Nous ne faisons que 30km pour cette première journée, et nous arrêtons à un très joli bivouac conseillé par nos amis : un endroit idéal pour faire un beau feu de camp. Du coup, ce sont les enfants qui s’occupent du diner : chamallows grillés à l’apéro, pommes de terre dans les braises et saucisses grillées, le tout dégustés sur notre tapis à la belle étoile. Qu’on est bien ici !
Nous roulons un peu le lendemain, en plusieurs fois pour nous reposer de cette piste cohoteuse. Et ce matin, après avoir échangé avec une famille française voyageuse qui nous a repérés pas très loin de la route, nous allons faire un tour au Himba Living Museum, sorte de village témoin présentant la culture Himba. Parce que nous sommes restés un peu sur notre faim d’en savoir davantage sur ce peuple, malgré nos rencontres de ces derniers jours. C’est donc en compagnie de Charles, notre guide, que nous faisons un tour du village et qu’il nous explique les traditions Himba : la polygamie, les coiffes qui changent en fonction du statut (jeune fille, femme, mère, homme marié…), les cérémonies pour communier avec les ancêtres. On apprendra d’ailleurs que lors de notre pause déjeuner il y a quelques jours, il n’y avait pas que des himbas, mais également des dembas (les jeunes femmes ayant une grosse mèche collée de graisse sur le dessus du crâne). Les jeunes femmes et les enfants qui sont présents se prêtent volontiers au jeu des photos, et nous pouvons poser de nombreuses questions. A l’issue de la visite, nous leur faisons visiter à notre tour notre maison sur roue et leur laissons la photo en souvenir, notre guide nous confirme qu’elles sont très contentes ! Et voilà que s’achève notre incursion d’une petite semaine dans le Kaokoveld, la terre des Himba.