Quand Pépère se prend pour un 4x4 !
Je pense que nous venons de prendre la piste la plus compliquée de tous nos voyages, un mélange d’ornières, de crevasses, de dévers et surtout beaucoup de boue ! Mais avant de vous raconter tout ça, laissez-moi vous montrer quelques photos des Chishimba falls où nous avons passé la nuit mardi 19 janvier. Nous sommes très agréablement surpris, le site est vraiment beau et plutôt bien entretenu avec différents points de vue. Nous faisons une jolie balade le mercredi matin et prenons notre temps ; nous levons le camp après le déjeuner, en direction de Mporokoso, là où l’asphalte s’arrête et où la route se transforme en piste pour rejoindre notre prochaine destination, les chutes de Lumamgwe à 92km d’ici.
Nous avons peu d’informations sur ce trajet, si ce n’est que la route est normalement passable en 2 roues motrices mais que certaines portions auraient été détruites par les pluies récentes. Comme nous ne souhaitons pas rester en ville, nous attaquons la route dès l’après-midi et nous ne sommes pas déçus des premiers 10 kilomètres !! Des ornières, de gros creux et des devers qui font craquer notre cellule. Renaud manie Pépère avec dextérité, il m’épate à savoir exactement où placer les roues pour minimiser les torsions. A plusieurs reprises, nous nous demandons s’il est raisonnable de poursuivre, mais faire demi-tour nous ferait revenir complètement sur nos pas jusqu’à Mpika à plus de 300km ! Et les villageois qui viennent à notre rencontre sur les passages délicats nous confirment « qu’après » c’est mieux. Ça reste vague mais on s’accroche à cet espoir. Au passage on adore les gosses qui courent à côté de nous avec de grands sourires ! Nous trouvons une ancienne carrière pour passer la nuit, nous avons fait 10km en 1h30… hum hum, on n’est pas arrivés !
Le lendemain, nous reprenons la route. Je vous la fais courte, nous alternons les passages corrects et les passages un peu plus tendus, mais surtout nous constatons que la piste est de plus en plus mouillée : d’abord de l’eau qui « masque » les trous de la piste, puis des flaques puis de la boue, de plus en plus « épaisse ». Nous poussons pépère dans ses retranchements sur certains passages, on sent le cul partir de temps en temps mais ça passe… jusqu’à ce que ça ne passe plus : devant nous un bourbier de 500m de long environ. Les habitants ont construit une sorte de route alternative à base de morceaux de bois mais elle est trop étroite et trop en dévers pour nous. Alors que nous n’avons vu que 2 voitures de la journée sur la « route », un 4x4 arrive dans le sens contraire. A le voir sauter dans les creux et les bosses, déraper à 90° et monter dans les tours pour se tirer de là, on se dit que c’est mort pour nous. Il s’arrête à notre hauteur et on discute un peu. Il nous confirme qu’il n’y a que ce passage et qu’ensuite c’est beaucoup mieux. Bon sang on ne va pas faire demi-tour maintenant, nous sommes à moins de 20km de notre destination ! (et accessoirement on n’envisage pas refaire ce qu’on vient de faire dans l’autre sens…). Il nous propose de nous tirer, et on accepte. On est quand même inquiets, pas à cause de la boue mais à cause des ornières et des creux : on lui demande de ne pas aller trop vite, mais en même temps il n’arrivera pas à nous tirer sans un minimum de vitesse. Bref, on serre les fesses ! Renaud est hyper concentré, personne ne parle dans le camping-car. De mon côté j’essaie de filmer mais avec les secousses mon doigt a dû ripper et je suis dégoutée car je n’ai rien enregistré. Et pourtant nous avons été merveilleux ! Oui oui, rien que ça ! Renaud a réussi à faire surfer pépère pour ne pas trop subir le terrain, nos roues ont plutôt bien accroché et on n’a finalement senti la traction sur le câble qu’à 2 reprises seulement, ce qui est un miracle par rapport au terrain. Nous n’aurions pas pu passer cette section sans l’aide de notre bienfaiteur et nous le remercions chaudement ! Nous sommes encore plein d’adrénaline quand nous reprenons la route quelques instants plus tard, fiers de notre camping-car comme d’un enfant qui vient d’aller au pot pour la 1ère fois.
Nous sommes donc en pleine « positive attitude », confiants pour la suite, mais à 10km de notre destination, un nouveau bourbier se présente à nous. Moins long que tout à l’heure mais avec un beau dévers glissant vers le champ en contrebas. Aïe aïe aïe ! Il est 17h, aucune voiture à l’horizon. Renaud repère un passage un peu moins boueux et se lance, mais la trace est un poil étroite pour nous, la roue arrière droite commence à glisser dans le dévers, je peux vous dire qu’on retient tous notre souffle ! Limite je ferme les yeux !! Renaud arrive à récupérer pépère mais on glisse de l’autre côté, dans une ornière bien boueuse. Splosh, on s’arrête en plein milieu du bourbier. Alors là, on sait que c’est mal engagé ! Dans ma tête, je nous vois déjà passer la nuit ici, à attendre qu’un 4x4 passe le lendemain. Rapidement, nous sommes l’attraction, une soixantaine de personnes nous entourent pendant que Renaud essaie quand même de nous sortir de là en pelletant et en mettant des branches. Lawrence, un jeune d’une vingtaine d’années, est le premier à essayer de nous guider. Un peu plus tard, des pelles arrivent, puis d’autres personnes. Je vous la fais courte, mais ils seront 8 zambiens, pendant 2h30, à littéralement terrasser un chemin praticable pour nous : des troncs, des branches, des pierres, araser la crête de l’ornière pour ne pas qu’on racle… Nous faisons plusieurs tentatives, en avant, en arrière, parfois on avance de quelques mètres, parfois on s’enfonce jusqu’au pont dans la boue ; les gars nous poussent avec ardeur, ils creusent dessous pour dégager, les pauvres sont dans un état misérable ! A 19h30, il fait nuit noire quand finalement nous sortons de là sous les hourras de la foule que la nuit a un peu dispersée quand même. Pfiou quelle journée ! Nous les remercions chaudement et leur donnons une somme d’argent qui nous semble méritée au vu de leur engagement. Visiblement ils sont contents, ils se précipitent devant nos phares pour compter les billets et poussent des cris de joie autour de nous, et c’est entourés de cette joyeuse bande hurlante que nous nous posons un peu plus loin devant la maison de Lawrence. Pas question de faire la route de nuit, d’autant qu’on comprend qu’on n’arrivera pas jusqu’à la cascade, les 2 ponts sur le chemin ayant été emportés par les pluies récentes. Attendez, on aurait fait tout ça pour rien ??! Ah mais nous n’avons pas dit notre dernier mot ! Mais en attendant, nous allons nous coucher pour un repos bien mérité, demain est un autre jour…