Le scénario qu’on n’aurait jamais imaginé…
Ce que nous vivons depuis 1 semaine est tellement improbable que je ne sais même pas par où commencer. Nous voici donc depuis cet après-midi en Tanzanie, plus particulièrement sur l’Ile de Zanzibar qui jouit d’un statut autonome particulier. Numerobis, notre camping-car, est lui resté en Suède. Ce n’était pourtant pas ce qui était prévu dans le plan « européen » initial… Rappelez-vous, nous voulions visiter la Scandinavie et redescendre, probablement par les pays baltes, pour passer les fêtes de fin d‘année avec nos amis et familles. Joli sur le papier, ce plan n’est plus tenable aujourd’hui compte-tenu de l’évolution de la situation sanitaire en Europe. A vrai dire, cela fait déjà plusieurs semaines que nous avions changé nos plans : pressentant que les fêtes de Noel ne seraient pas « normales » cette année, nous avons décidé d’avancer notre retour en Tanzanie et mi-octobre, nous avons acheté des billets Marseille/Zanzibar pour la fin novembre. Naïvement, nous n’avions pas anticipé un confinement quasi généralisé en Europe ! Nous voici bien malins avec nos vols au départ de Marseille alors qu’on ne pourra pas circuler en France ! Ni en Allemagne, ni en Pologne, ni dans tout autre pays sur notre route, d’ailleurs, à part pour des transits rapides. Quoi faire maintenant ? Tenter de prendre notre vol malgré tout au risque de nous faire bloquer par un confinement qui pourrait être prolongé ? Attendre en Suède que « ça passe » et décaler notre vol (mais pour quand ?? nous avons le droit à un seul changement gratuit…) ? Laisser le camping-car en Suède et prendre un vol directement d’ici ? C’est tentant mais qu’est-ce qu’on va faire encore avec un véhicule au bout du monde et c’est encore des frais qui s’ajoutent à la note Covid… Bref nous étudions tous les scénarios, on se renseigne sur les transits, sur les ferrys pour l’Allemagne, sur le stockage, on échange avec nos familles, nos amis voyageurs… Nous sommes en plein doute lorsque nous rencontrons une famille française de voyageurs en plein questionnement eux-aussi par rapport à leur situation perso et de fil en aiguille, je leur propose d’acheter notre camping-car. Lorsque nous nous quittons, ils nous disent y réfléchir mais on n’y croit pas trop avec Renaud, ce serait vraiment trop beau ! A ce stade, nous sommes plutôt sur l’option on rentre en France et on tente de prendre notre vol.
Mais vendredi 6 novembre, alors que nous nous promenons sur la jolie plage d’Ahus (vous savez, nos garçons en slip dans la mer Batique), on reçoit un Whatsapp : « on a bien réfléchi, on vous le prend ». C’est la stupeur. Nous avons acheté le véhicule il y a moins de 6 mois, le contrôle technique est donc toujours valide et nous avons tout pour faire les papiers. Ça nous arrange, ça les arrange, nous nous mettons rapidement d’accord sur le prix de vente. C’est confirmé, on vend Numerobis en Suède, l’un des rares scénarios que nous n’avions jamais envisagés !! Reste à nous caler sur la date : ils ne pourront le prendre que début décembre. De notre côté on n’a pas forcément envie de rester en Suède encore 3 semaines. C’est un pays que nous apprécions beaucoup, mais on commence à tourner un peu en rond et entre les jours qui raccourcissent et le temps souvent maussade, nous avons envie de passer à autre chose. Je propose qu’on parte en Tanzanie mi-novembre, mais il faut qu’on trouve un stockage pour 1 mois. On avait déjà demandé à Bastian, notre ami de Stockholm, de se renseigner pour stocker Numerobis jusqu’au printemps, où on aurait éventuellement trouvé quelqu’un pour venir le récupérer. On le rappelle pour une durée plus courte, mais ça semble un peu plus compliqué… et plus cher. Le vendredi soir (oui oui, tout ça s’est passé en quelques heures à peine…), nous sommes invités par Alexandre et Joséphine avec qui nous passons une super soirée. Et alors que nous expliquons notre situation, Alexandre nous regarde avec un petit sourire : « ben j’ai une solution moi, la sœur de Joséphine fait du gardiennage de bateaux et de camping-cars à 15km d’ici… et ce n’est vraiment pas cher ». Comment dire… un tel alignement de planètes dans le monde du voyage en temps de Covid ça doit s’apparenter à un miracle !
Plus d’hésitation, on suit notre bonne étoile : dès le samedi la possibilité de stocker Numerobis à un prix raisonnable est confirmée ; On regarde les vols et sur les conseils de nos hôtes nous décidons de partir de Copenhague, au Danemark, qui est l’aéroport le plus pratique à rallier en train de là où nous sommes (car nous sommes à plus de 600km de Stockholm quand même…). Nous vérifions que nous pourrons bien y aller et les voyants semblent au vert (pour un transit en tout cas…). Alexandre se propose de nous donner un coup de main le jour J pour déposer Renaud à la gare une fois qu’il aura garé le camping-car au hangar… En 2 jours, nos plans ont changé de manière radicale ! Renaud est un peu secoué, il a toujours un peu de mal avec les décisions rapides ; moi je suis euphorique car à l’inverse de lui j’adore ça, les enfants sont déçus car s’ils avaient finalement accepté (à regret) de ne pas passer les fêtes en famille, cette fois ils réalisent que nous ne verrons pas du tout nos proches encore pendant de longs mois. On essaie de les préserver du mieux qu’on peut de nos doutes et questionnements, mais vu notre promiscuité ce n’est pas forcément facile.
Voilà où nous en sommes Samedi 7 novembre, puis tout s’enchaine très vite : en accord avec les acheteurs, nous prenons RDV pour faire une petite révision, mettre des pneus hiver, changer les plaquettes de frein qui sont mortes. On passe dans un garage à Trelleborg dès lundi, RDV est pris pour jeudi (avec une note salée !), on se garde une petite marge de sécurité et lundi soir j’appelle la compagnie aérienne pour changer nos vols pour le samedi 14 novembre. Et entre temps, on commence à trier, ranger, enchainer les machines à laver, nettoyer de fond en comble celui qui aura été un compagnon super fiable pendant 5 mois. En guise de valise, on achète 4 sacs en plastique ikea zippables… avec nos 110kg de bagage on dirait qu’on rentre au bled 😉 Il faut dire que compte-tenu du contexte j’ai cédé à bon nombre des demandes des enfants, y compris se trimballer jusqu’en Afrique une grosse caisse remplie de plusieurs milliers de cartes Pokemon (merci Adrian !!) et un nombre bien exagéré à mon goût de doudous.
On ne va pas vous mentir, ces quelques journées ont été un peu fatigantes nerveusement ! Samedi matin, tout est prêt mais notre timing est un peu serré et c’est un marathon qui nous attend. Renaud nous dépose à la gare avec les sacs dès 8h, et nous avons un pincement au cœur de voir partir Numerobis qui, s’il n’a pas évincé Pépère dans nos cœurs, a fini par trouver sa place dans notre joyeuse tribu. Sans oublier qu’avec lui, nous laissons ici la marmite de ma maman, les bons couteaux de beau-papa, l’épluche-légume de Patricia, la canne à pêche de Fabien, une confiture de Mémé Dédée, de vaillantes trottinettes qui ont bravé les villes pavées de Scandinavie et même les chaises de camping « vintage » de ma grand-mère décédée il y a plus de 15 ans. Un petit morceau de notre histoire…
Après avoir rejoint Alexandre au lieu de stockage, Renaud lui confie les papiers et les clés et arrive à la gare 5 minutes à peine avant l’arrivée de notre train direct pour l’aéroport de Copenhague. Ici, nous remettons les masques, pour la première fois depuis le 22 juillet date à laquelle nous sommes arrivés en Norvège… Ca va nous faire bizarre, d’autant qu’on va devoir les garder pendant 24h ! Je passe sur le petit stress du sac ikea qui s’éventre à la première occasion à l’aéroport et que Renaud rafistole avec du scotch américain juste avant de l’envoyer sur le tapis du bagage drop. « T’inquiète ça va tenir », me dit-il…
Je passe également sur la petite inquiétude de faire un stop à Addis Abbeba alors que l’Ethiopie fait face à une guerre civile dans le nord du pays et que le matin même les « rebelles » ont attaqué 2 aéroports ☹. Et quand je vous parlais de marathon : après 1h30 de train, un vol jusqu’à Olso, un autre jusqu’à Stockholm, puis jusqu’à Addis et en enfin le dernier jusqu’à notre destination finale. 5 pays en 24h… je crois que c’est notre record (dont je ne suis pas particulièrement fière, au demeurant…). L’arrivée est un peu épique, l’hotel où nous avons réservé à la dernière minute ayant filé notre chambre à d’autres clients…
Mais nous y sommes ! Nous sommes de retour en Afrique, prêts à repartir à la découverte de cet incroyable continent ! Mais avant, on va prendre un peu de vacances ici, à Zanzibar, l’ile aux épices parait-il, et aux plages paradisiaques. Et avant d’aller voir les plages on va se reposer un peu pour faire retomber la tension accumulée ces derniers jours et rattraper le manque de sommeil de cette nuit. Et surtout, surtout, je vais enfin pouvoir enlever ma polaire et ranger mon magnifique bonnet orange !