Rendez-vous en terre masaï
Je vous ai laissés ce week-end sur cette indication : : « prends la piste la plus fréquentée jusqu’à l’intersection où un masaï vous attendra pour vous indiquer la direction ». Effectivement, lorsque mardi 21 janvier nous quittons la route principale près de Magadi pour nous enfoncer dans le bush, nous apercevons un masaï qui nous fait signe. Il monte à ma place pour nous guider sur les prochains kilomètres et les enfants sont fascinés par ses lobes d’oreilles. Les masaïs mettent des « anneaux » de plus en plus gros pour agrandir leurs lobes et pouvoir les parer lors des cérémonies. Mais cette tradition a tendance à se perdre avec la nouvelle génération comme nous le verrons par la suite. Autant la piste principale était correcte, autant nous peinons sur le petit chemin très caillouteux qui nous conduit à la maison de Benson, chez qui nous allons passer quelques jours. Notre maison tangue et craque… mais pépère est vaillant et nous conduit à destination.
Avant de vous en dire plus sur ce séjour, laissez-moi vous parler de comment nous sommes arrivés ici. Patricia est une cousine de la maman de Renaud. Depuis une vingtaine d’années, elle est mariée avec Anuang’a, un kényan, et ils habitent la moitié de l’année dans le Vaucluse, l’autre moitié au Kenya. Nous avions déjà rencontré la famille et les amis d’Anuang’a lors de notre séjour en 2006, et nous sommes heureux de les retrouver ! Anuang’a est un danseur et chorégraphe qui promeut la culture masaï partout dans le monde. Il monte des spectacles, en solo ou avec d’autres masaïs. En ce moment, il est en train de monter un spectacle qu’il présentera le 29 février à l’Alliance Française de Nairobi. Il réunit 3 clans masaïs (un clan venant de Magadi, un venant d’Amboseli et un autre venant du Masaï Mara) et aura près de 40 danseurs sur scène. Enfin danseurs… ce sont surtout des bergers qui vont mettre en scène les danses traditionnelles qu’ils effectuent d’habitude sans réfléchir. Le boulot pour « organiser » leurs chants, déplacements et mouvements en vue d’une représentation chorégraphiée est impressionnant ! Pendant plusieurs jours, nous assistons donc tous les matins avec un immense plaisir aux répétitions du clan de Magadi, auprès d’une quinzaine de masaïs. Ils dégagent une puissance et une énergie incroyable au travers de leurs mouvements et des sons qu’ils font avec la gorge et le ventre. C’est vraiment beau et intéressant à voir !
Nous sommes garés devant la maison de Benson, qui jouxte les cases de sa mère et de ses frères. Ayant déjà dansé aux côté d’Anuang’a, Benson a gagné un peu d’argent qui lui a permis de construire une maison en tôle à côté de sa case en bois, feuilles et bouse de vache. C’est drôle : lorsque nous avons organisé une session de dessins avec les gamins du village, la plupart ont dessiné une grande maison, avec 2 fenêtres et un toit et une voiture devant… alors que la plupart dorment dans une hutte. A noter que chez les masaïs ce sont les femmes qui construisent les maisons ; leur hauteur varie donc en fonction de la taille de la femme car elle doit pouvoir couvrir le sommet de la hutte. Puriti, la femme de Benson n’est pas bien grande donc il faut se pencher pour entrer dans la hutte qui leur sert aujourd’hui surtout de cuisine ! Pendant les 4 jours que nous passons chez eux, Puriti s’occupe de nous préparer tous les repas, essentiellement à base d’ugali, une polenta épaisse à base de farine de maïs blanche, de sukuma (sorte d’épinards un peu plus amers) ou de haricots rouges. J’ai bien tenté de proposer de préparer une salade de pâtes mais je n’ai pas eu de succès. Et quand lors d’un apéro avec Patricia et Anuang’a nous ouvrons un saucisson et un comté, il faut voir la mine de dégout de Puruti ! 😉
Pour les remercier de leur accueil, outre 2 ou 3 trucs qu’on leur donne, nous proposons d’acheter un mouton et de le (faire) préparer par les masaïs avec lesquels nous le partagerons. C’est vendredi 24 janvier, à la fin des répétions, que nous vivons ce moment privilégié avec eux. La découpe de l’animal est toujours une affaire d’hommes, les meilleurs morceaux sont laissés aux invités (nous, donc, même si techniquement c’est nous qui invitons !). Une première gamelle est préparée avec des morceaux qui rendent beaucoup de gras, auxquels est ensuite ajouté le sang frais de l’animal pour faire une sauce un peu épaisse. Et bien c’est un peu gras, évidemment, mais délicieux ! Puis viennent les côtes grillées, ainsi qu’une sorte de bouillon au fort gout de mouton. Nous passons un très bon moment et tout le monde a l’air d’apprécier, car ils ne mangent pas de viande très souvent.
Jeudi soir, nous organisons une séance ciné/ordi qui a beaucoup de succès : nous passons Minuscule, qui n’a pas de paroles et peut donc être compris par tous les gamins qui parlent d’abord maa, la langue des masaïs, puis swahili la langue officielle du kenya et ensuite anglais lorsqu’ils vont à l’école. Il n’y a d’ailleurs pas que les enfants qui regardent, des mamans viennent jeter un œil à l’écran aussi. Le lendemain, les gosses réclameront un autre dessin animé, ce sera donc Kung-Fu Panda. Anuang’a leur passe également un film massai racontant dans leur langue l’épopée de jeunes moranes (jeunes guerriers), et cette fois-ci c’est tout le village qui assiste à la « projection » !
Il fait très chaud à Magadi, et un après-midi où il n’y a pas de répétition, Patricia et Anuang‘a nous conduisent « en ville ». Nous marchons d’abord un petit moment pour descendre de la colline, puis prenons des motos-taxis pour rejoindre le marché de Magadi. Ensuite nous allons nous rafraichir à la piscine d’un club privé avant de remonter la rude pente pour rentrer au village. Nous nous faisons allègrement doubler par des gamins ou des femmes portant de lourdes charges sur leur dos. Et nos enfants sont bien impressionnés de constater que les gamins d’ici effectuent cet éreintant trajet plusieurs fois par jour pour se rendre à l’école. Que je ne les entende plus râler lorsqu’ils doivent ranger leurs stylos dans leurs trousses !
Pour conclure cet article, je parlerai aussi de la curiosité et de la bienveillance des masaïs. Nous avons fait visiter notre maison à des dizaines de personnes de tous âges, avec à chaque fois des regards intrigués vers le frigo, les toilettes et le gaz (ils cuisinent beaucoup au feu de bois ici). La différence entre nos modes de vie est flagrante, mais ils nous ont accueillis avec un respect et une gentillesse qui font chaud au cœur. Vous l’aurez compris, on a adoré ces quelques jours à leurs côtés, et on remercie encore Patricia et Anuang’a de nous avoir permis de vivre à fond cette expérience ! Et merci à Benson et Puriti pour leur accueil, Cahuète pour nous avoir servi de guide, Perré et ses « merchi beaucoup », Chukuru, Mendé, Této et tous les autres ! Et si vous voulez en savoir plus sur l’artiste Anuang’a, je vous recommande de faire un tour sur son site : anuanga.com